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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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général.
    Hearn se pencha en avant. « Prenez l’homme qui est de garde en ce moment, et qui entend ce rire. Il me semble qu’un jour viendra où il fera faire un demi-tour à sa mitrailleuse.
    – Oh ! c’est possible. Quand les soldats se mettent à faire de ces choses, c’est que leur armée frise la défaite. En attendant, leur haine s’accumule en eux et fait que leurs qualités combatives s’accroissent d’autant. Ne pouvant se retourner contre nous, ils foncent droit devant.
    – Mais vous jouez gros jeu, dit Hearn. Si nous perdons la guerre, vous aurez produit une révolution. Il me semble qu’il serait de votre propre intérêt de vous montrer humain avec vos soldats, et éviter une situation révolutionnaire en cas de défaite. »
    Cummings rit. « Voilà de quoi faire un éditorial dans un de vos hebdomadaires libéraux, n’est-ce pas ? Vous êtes un âne, Robert. Nous n’allons pas perdre la guerre ; et si nous la perdions, vous ne pensez tout de même pas qu’Hitler consentirait qu’une révolution ait lieu ?
    – Alors, ce que vous êtes en train de dire, c’est que vous autres vous ne sauriez perdre la guerre d’aucune façon.
    – Vous autres, vous autres, le pasticha le général. C’est un chapitre de marxisme que vous me servez là, n’est-ce pas ? La grande conspiration capitaliste ? Comment se fait-il que vous en sachiez tant, sur le marxisme ?
    – J’en ai tâté.
    – J’en doute. Je doute que vous en ayez réellement tâté. » Il pétrit pensivement le bout de sa cigarette. « Vous interprétez mal l’histoire si vous voyez cette guerre comme une grande révolution, il s’agit de concentration de puissance. »
    Hearn haussa les épaules. « Je suis un piètre étudiant en histoire, et je ne suis pas un penseur. Simplement, je crois que ce n’est pas faire preuve de bon sens que de se faire haïr par ses hommes.
    – Je vous répète que cela est sans importance, dès lors qu’ils vous craignent. Réfléchissez-y, Robert : avec toutes les haines qu’il y a eues dans le monde, il est surprenant de constater combien peu il y a eu de révolution. » Il s’égratigna le menton, à peine, un peu sensuellement, comme s’il s’absorbait dans le bruit de son ongle contre le poil de sa barbe. « Même la révolution russe n’est qu’une forme d’organisation dans l’espace. Le machinisme de ce siècle exige la concentration, laquelle à son tour exige l’exercice de la peur parce que la majorité des hommes doivent être asservis à la machine, – une opération dont ils ne jouissent pas d’instinct. »
    Hearn haussa de nouveau les épaules. Ses critères, frustes ou intangibles, avaient leur valeur ; mais pour quelqu’un comme le général ses idées n’étaient que du sentiment, du faux sentiment, comme Cummings le lui avait répété bien des fois. Il fit cependant un effort. « Il y a d’autres facteurs, dit-il doucement. Je ne vois pas comment vous pouvez négliger le renouveau et la reproduction continus de certaines grandes idées morales. »
    Le général eut un petit sourire. « Robert, il n’y a pas plus de rapport entre la politique et l’histoire, qu’il n’y en a entre les besoins de n’importe quel homme et Te code moral. »
    Des épigrammes, toujours des épigrammes. Il ressentit une sorte d’aversion pour ce débat. « Mon général, quand vous en aurez fini avec cette guerre, quand vous serez au travail sur votre prochaine grande concentration, l’Américain des années quarante se débattra dans les mêmes angoisses que l’Européen des années trente, à la veille de cette guerre dont il ne sortira pas vivant.
    – Probable. L’angoisse est l’état naturel de l’homme du xx°siècle.
    – Bah ! » Il alluma une cigarette, constatant avec surprise que ses mains tremblaient. Dans ce moment précis il voyait le général en transparence. Cummings avait commencé cette discussion de propos délibéré, afin de regagner un équilibre qui, pour une raison ou une autre, lui avait fait défaut lors de leur arrivée à la tente.
    « Vous êtes trop têtu pour vous rendre, Robert. » Il se leva, s’approcha de l’un de ses coffres. « Pour vous dire la vérité, je ne vous ai pas fait venir pour entamer une discussion. Je me suis dit que nous pourrions peut-être faire une partie d’échecs.
    – Avec plaisir. » Il était surpris, et un peu mal à son aise. « Je ne pense pas que je vous donne

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