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Les Nus et les Morts

Titel: Les Nus et les Morts Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Norman Mailer
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jamais parlé de sa femme ; – et, s’étant souvenu, il regretta sa question.
    « Peut-être d’expérience, peut-être », dit le général. Sa voix changea abruptement. « J’aimerais vous rappeler, Robert, que toute liberté que vous prenez dépend de mon consentement. Je pense que vous êtes allé un peu trop loin.
    – Je regrette.
    – Taisez-vous. »
    Hearn se tut, observant le visage du général. Il avait l’air absent. Ses yeux s’étaient contractés ; on eût presque dit qu’ils supportaient quelque objet dans l’espace, situé à une dizaine de pouces devant lui. Deux taches blanches s’étaient formées sous sa lèvre inférieure, presque directement sous les coins de sa bouche.
    « Il est vrai, Robert, que ma femme est une garce.
    – Oh !
    – Elle a fait à peu près tout ce qu’elle a pu pour m’humilier. »
    Hearn était ébahi et révolté. Cet apitoiement sur soi-même avait de nouveau apparu dans la voix de Cummings. On ne raconte pas des choses pareilles à tout venant, du moins non pas avec ce ton de voix. Il y avait, apparemment, un général dans le général. « Je suis désolé, mon général », marmonna-t-il à la fin.
    La lampe à pétrole s’éteignait, et le tremblotement de la flamme lançait par la tente de longues et mouvantes diagonales de lumière. « L’êtes-vous, Robert, l’êtes-vous vraiment ? Y a-t-il une chose qui vous touche jamais ? » Dans cet instant unique la voix du général était nue. Il allongea son bras et rajusta la lampe. « Vous savez que vous êtes inhumain, dit-il.
    – Peut-être.
    – – Vous ne concédez jamais rien, n’est-ce pas ? »
    Etait-ce cela, la signification de tout ceci ? Il regarda le général dans les yeux, devenus lumineux, presque superlatifs. Il eut l’intuition que s’il restait immobile assez longtemps, le général étendrait son bras avec lenteur el le toucherait au genou peut-être.
    Non, cela était ridicule.
    Il se leva d’un mouvement brusque et agité, fit quelques
    fias vers l’autre bout de la tente, s’arrêta pour un moment, e regard fixé sur la couchette du général.
    Sa couchette. Non, va-t’en de là avant que Cummings ait saisi ce que tu penses. Il fit demi-tour et regarda lé général : il n’avait pas bougé, assis là comme un grand oiseau pétrifié, attendant… attendant quelque chose qui devait être indéfinissable.
    « Je ne sais pas ce que vous voulez dire, mon général. » Sa voix, heureusement, eut un ton tranchant.
    « N’importe. » Il regarda ses mains. « Pour l’amour du Ciel, Robert, si vous avez besoin de vous soulager sortez dehors et arrêtez de faire les cent pas.
    – Oui, mon général.
    – – Nous n’avons à vrai dire jamais fini cette discussion. »
    Cela allait mieux. « Eh bien, que voulez-vous que j’admette ? Que vous êtes un dieu ?
    – Vous savez, s’il y a un Dieu, Robert, il me ressemble en tous points.
    – Se sert de la technique du dénominateur commun.
    – Exactement. »
    Maintenant ils pouvaient parler parler parler. Et, cependant, un silence se fit entre eux. Entre eux, dans ce moment, une certitude prenait corps : la gênante, la déplaisante certitude qu’ils ne s’aimaient pas du tout l’un l’autre.
    La conversation revint, se donna l’air d’une petite controverse, glissa sur le sujet de la campagne. Après un laps de temps propre à sauver les formes, Hearn regagna sa tente. Mais, dans le noir, écoutant le rêche bruit du feuillage dans les palmeraies, il eut du mal à s’endormir. Tout autour de lui s’étalaient la jungle, les espaces infinis des cieux du Sud avec leurs étoiles énigmatiques.
    Quelque chose était arrivé ce soir ; mais, déjà, cela semblait exagéré, hors de proportion. Il ne pouvait pas croire, pas tout à fait croire, ce qu’il avait entendu. La scène, maintenant, était enchevêtrée, comme gauchie par un rêve. Il se mit à rire doucement, allongé sur sa couchette.
    Le ressort, le mobile de la pacotille.
    Quand on fouille une chose avec persévérance, on finit toujours par y découvrir un dépôt de saleté. Et, tout en riant, il avait sa propre* image devant ses yeux ; il voyait son grand corps qui gigotait légèrement dans le rire, il voyait sa tignasse noire, il voyait ses traits que tordait cette bizarre, cette convulsive hilarité.
    Une femme, qui avait été sa maîtresse pendant un temps, lui présenta un matin un miroir et dit : « Regarde-toi,

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