Les Origines et la Jeunesse de Lamartine 1790-1812
parvenu à rendre merveilleusement. M. Reyssié, pourtant, qui avait une très grande habitude du pays et connaissait le vallon sous tous ses aspects, est parvenu à les décrire de manière très fidèle et très exacte.
Tout au bas du village, en bordure de la route et dominée par le Craz, se trouve la petite maison des Lamartine. Elle n'a point d'histoire : élevée au début du xviiie siècle par Jean-Baptiste, premier seigneur de Montceau, c'était alors, plutôt qu'une demeure, un pavillon où il venait l'automne surveiller ses vendanges. Rien n'y était établi en prévision de longs séjours et au moment de son installation le chevalier fut même obligé d'y faire élever deux cheminées. Aujourd'hui, il est difficile de se la représenter dans son état primitif, car elle a subi des remaniements qui ont modifié entièrement son ancien aspect. Elle est située en retrait de la route unique qui traverse le village, au fond d'une cour actuellement ornée de massifs, mais qui autrefois servait, avec ses communs, à garer cuves, pressoirs et tombereaux.
Derrière, s'étend un minuscule jardin dont les charmilles, les frênes et les chênes sont les seuls arbres de Milly, et finit en pente douce au pied du Craz par un potager. Aucune source, aucun cours d'eau n'arrose le pays.
La maison n'a qu'un seul étage ; elle est petite, obscure, humide, et jamais le soleil n'y pénètre. Elle comprend en tout neuf pièces et l'on imagine mal comment sept personnes pouvaient y vivre. Des plantes grimpantes recouvrent entièrement les murs jusqu'aux tuiles et les arbres viennent frôler les vitres. En hiver, la tristesse et la désolation sont impressionnantes ; ce décor de Milly est une des sources les plus certaines de la mélancolie de Lamartine et explique amplement la maladie de nerfs dont il souffrit lorsque ses vingt ans y furent cloîtrés.
Une grave erreur en effet serait de croire que l'amour de Lamartine pour Milly date de sa jeunesse ; il contribua beaucoup à cette légende, mais on voit par sa Correspondance qu'il ne l'appelait guère alors que sa «détestable patrie». Il ne découvrit son charme que longtemps après, lorsqu'il en fit avec le recul du temps le temple de ses souvenirs d'enfance. Milly devint alors pour lui un culte, celui de sa mère dont il venait encore rechercher la trace trente ans plus tard. «C'est, disait-il un jour âprement, la seule chose que je ne pardonne pas à mes concitoyens que de m'avoir forcé de vendre Milly.»
Le domaine comprenait une cinquantaine d'hectares plantés en vignes. En 1801, Pierre de Lamartine y ajouta Saint-Point, acheté partie sur ses économies, partie sur une somme qui lui revenait de la succession de son père.
Saint-Point bien plus que Milly fut aux yeux de ses contemporains la véritable demeure du poète.
C'était un vieux château féodal bâti sur la vallée de la Valouze dans un joli site boisé et plus riant que Milly, dont il était éloigné d'une quinzaine de kilomètres. Lorsqu'à son mariage Lamartine en acquit la jouissance, il lui fit subir plusieurs réparations et sacrifiant lui aussi à la mode romantique, y fit ajouter des terrasses, des tourelles, des fenêtres ogivales et dentelées qui ne vont pas sans déparer un peu l'austère simplicité romane du bâtiment.
La partie orientale du château comprise entre les deux tours rondes remonte seule au moyen âge ; l'ensemble a été remanié à différentes époques et on voit par les inventaires antérieurs à la Révolution qu'il comprenait primitivement quatre grosses tours, des murailles à créneaux qui enfermaient une cour commandée par un pont-levis et entourée de profonds fossés. De l'histoire ancienne du château, on sait peu de chose ; il fut assiégé et pris par les Français en 1471 lors des luttes entre Louis XI et Charles le Téméraire ; au cours des xviie siècle et xviiie siècles, il demeura le plus souvent inhabité, ce qui explique son délabrement, achevé le 30 juillet 1789 par les émeutiers qui le mutilèrent et le pillèrent entièrement.
Ce jour-là, tous les habitants de Saint-Point, vignerons, grangers et manœuvres, assemblés au son de la cloche, forcèrent la grande porte, découronnèrent les tours, démolirent les charpentes et toitures, brûlèrent les archives. L'affaire fut vite menée, sans résistance possible de la part de l'intendant. Tout ce qu'il put obtenir d'eux fut qu'ils ne mettraient pas le feu au château, leur objectant que
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