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Les Origines et la Jeunesse de Lamartine 1790-1812

Les Origines et la Jeunesse de Lamartine 1790-1812

Titel: Les Origines et la Jeunesse de Lamartine 1790-1812 Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre De Lacretelle
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une douleur mille fois pire que la mort, que j'abandonne tout ce qui m'est le plus cher dans le monde après mes deux amis. N'en parlons plus, ne rouvrons pas les blessures trop fraîches et trop cruelles...» À Milly on pouvait respirer, car la diversion était trouvée.
Certes, dans l'intention un peu excusable de ne pas paraître trop inconstant aux yeux de Guichard qui avait reçu la confidence de ses désespoirs, son ancienne passion figurera par des rappels de ton dans les premières lettres d'Italie : «Ô mon cher ami ! tu ne sais donc pas tout ce que j'ai laissé en France ? s'écriera-t-il lyriquement ; tu ne sais donc pas que toute espérance est morte dans mon cœur et que, plus à plaindre que Saint-Preux, je n'aurai connu qu'une passion sans aucune jouissance, et qui va me précipiter dans un abîme sans fond ?» Les lettres à Virieu sont d'une autre désinvolture : «Que de larmes vont couler ! lui dit-il, combien j'aurai d'assauts à soutenir pour ne pas me dédire ! mais j'ai du cœur (!) et toutes les Armides de ma patrie ne retiendront pas un pauvre chevalier qui va courir les aventures».
Le moyen, en effet, de résister au plaisir très littéraire d'aller traîner sa mélancolie sous le ciel de Rome ou de Florence ? Bien avant le départ, l'amour d'Henriette n'était plus qu'un souvenir, et rien ne peint mieux cette extrême mobilité de sentiments, cette âme changeante et si vite rassasiée, soumise qu'elle est à toutes les influences extérieures, cette imagination vagabonde que rien ne peut fixer.
L'imagination qui venait en effet de jouer le premier rôle dans cette aventure va trouver un aliment nouveau dans ce projet de voyage.
    Tout y sera prévu minutieusement, organisé d'après un plan, rigoureux et précis au départ, mais qui, pas davantage que les précédents, ne rencontrera d'exécution. C'était là son véritable plaisir, et la réalisation lui importait peu. Un jour, il demandait à Virieu des recommandations «pour des gens instruits ou des maisons agréables», un autre il échafaudait les travaux les plus magnifiques : «Moi aussi, je ferai mon voyage, mon itinéraire», s'exclamait-il en évoquant ses souvenirs littéraires ; et il devait revenir parlant l'italien le plus pur et le grec.
Tous furent enchantés de cette diversion inespérée. Mais la mère avait fini par acquérir un peu d'expérience de son fils ; elle saisissait bien les motifs de ce revirement soudain, et lorsqu'elle écrivait : «Ce voyage est au moins très utile en ce moment pour occuper l'activité de sa tête et de son imagination de vingt ans», elle voyait juste, l'imagination seule était responsable ; craignant même que ce beau feu ne s'éteignît comme les autres elle pressa le départ et l'expédia à Lyon le 1er juillet. «Enfin, note-t-elle ce jour-là avec soulagement, tout a fini par s'arranger à notre satisfaction et surtout à celle d'Alphonse.»
Ainsi se termina ce petit roman dont Vignet, étonné d'un si rapide oubli, lui reprochait au retour de Naples d'avoir perdu la mémoire [Cf. Correspondant, op. cit.]. La fin en est conforme à ce qu'il a raconté : le 25 août 1813, Henriette Pommier épousait à Mâcon Jean-Baptiste Leschenault du Villard ancien capitaine de chasseurs, sans que son premier et volage fiancé s'en soit désespéré ; il était alors à Paris où d'autres plaisirs avaient remplacé cet innocent commentaire de Jean-Jacques.
    De part et d'autre les deux familles avaient tenu peu compte de ces enfantillages, puisque François-Louis de Lamartine fut témoin au mariage de la jeune fille.
Henriette vécut aux environs de Mâcon, et elle repose aujourd'hui dans la petite chapelle triste de la demeure où elle coula des jours sans histoire. Regretta-t-elle, aux heures triomphales que connut Lamartine, de ne pas partager sa gloire et de n'avoir pas réalisé son rêve de jeune fille ? La postérité, elle, n'a pas à le déplorer : Lamartine marié à vingt et un ans n'eût pas été le poète des Méditations.

CHAPITRE III - LE VOYAGE D'ITALIE
    Le voyage d'Italie, suite imprévue mais agréable de tant d'infortunes, n'eut pas sur le développement poétique de Lamartine l'influence qu'on lui a trop souvent prêtée.
Florence et Rome étaient pourtant le cadre parfait d'un amour malheureux et le soupçon de mélancolie qu'il emportait avec lui était à l'époque un élément indispensable pour goûter pleinement le charme des ruines et des

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