Les Origines et la Jeunesse de Lamartine 1790-1812
les influences littéraires subies par Lamartine, l'excellent ouvrage de M. Zyromski, Lamartine, poète lyrique.].
Il faut noter aussi son incompréhension absolue des œuvres d'analyse et de précision qui ne répondent chez lui à aucun état d'âme.
Les seuls Allemands qu'il nomme sont Gœthe et Zimmermann, l'un pour son Werther, l'autre pour son Traité de la solitude ; mais les deux sujets qui pourtant semblaient faits pour lui plaire n'eurent pas sur lui l'effet qu'on pourrait supposer : «Je viens de lire Werther, écrit-il en 1809, il m'a fait la chair de poule : je l'aime pas mal non plus. Il m'a redonné de l'âme, du goût pour le travail, le grec ; il m'a un peu attristé et assombri.» Résultat imprévu et qu'on n'attendait guère d'une lecture qui démoralisa la jeunesse romantique ; tout au moins peut-on l'expliquer du fait que Werther, œuvre documentaire et assez froide, ne fut jamais vécue par Gœthe ; instinctivement peut-être, Lamartine ne s'y trompa point et n'y découvrit pas l'accent de sincérité qu'il lui fallait. «Vive les Allemands pour la raison !» s'écriait-il après la lecture du Traité de la solitude où Zimmermann a méthodiquement catalogué les inconvénients et les avantages de cet état d'âme : il ne rencontrait en effet chez eux guère autre chose que la raison, l'esprit brutal et sec d'analyse ou de classification, choses qu'il ignore et qui cadrent mal avec sa nature mouvante et pleine de revirements.
À cet égard, encore, l'exemple de Montaigne est tout aussi typique. La première rencontre fut mauvaise, mais Virieu, d'un esprit aussi froid et méthodique que le sien l'était peu, voulut lui faire partager son admiration pour celui qu'il appelait son maître et Lamartine s'y employa de bon cœur : «Je lis l'ami Montaigne, lui répond-il, que j'apprends tous les jours à mieux connaître et par conséquent à aimer davantage ; veux-tu que je te dise ce qui m'y attache plus encore ? c'est que je trouve une certaine analogie entre son caractère et le tien».
On sent alors que, bien plus par amitié que par goût, il s'évertue à l'admirer, «l'adore», l'aime «infiniment plus qu'autrefois».
Pourtant, la première impression était la bonne et en 1811 il écrivait «...Ses idées m'amusent, mais ses opinions me fatiguent et me blessent... il faut être froid pour se plaire à Montaigne ; je l'ai aimé tant que je n'ai rien eu dans le cœur ;... tout ce que j'aime en lui, c'est son amitié pour La Boëtie». Tel avait été le vrai motif de son admiration passagère : un seul point lui plut, où il retrouvait un sentiment personnel, son amitié pour Virieu ; le reste lui échappa.
Ainsi, chez, lui, tout se résume dans la première impression, et c'est la seule qui doive compter lorsqu'il s'agit de l'étudier, d'autant qu'il n'apportait aucun esprit critique dans ses lectures, aucune mesure dans ses admirations et qu'il lui suffisait pour goûter une œuvre d'y retrouver la description d'un de ses états d'âme, un sentiment déjà éprouvé, ou l'écho d'un souvenir ; exaspérées ainsi, son imagination, sa sensibilité, l'imagination maladive qu'il portait en toutes choses faisaient le reste.
Dominé par tant d'influences littéraires, il se trouvait à la merci de toutes les chimères qu'elles allaient faire naître et la moindre étincelle devait enflammer le brasier qu'il portait en lui. Mais il était fatal aussi que sa première émotion du cœur dût y gagner en violence plutôt qu'en sincérité, et le très romantique amour de Lamartine pour la jeune Henriette Pommier, inconsciente tentative d'appliquer à la vie les idées dont il était nourri, eut le bref dénouement que sa nature changeante laissait prévoir [Lamartine, qui se connaissait parfaitement, et souffrait de sa mobilité de sentiments, écrivait un jour à Virieu : «Nous sommes vraiment de singuliers instruments, montés aujourd'hui sur un ton, demain sur un autre ; et moi surtout, qui change d'idées et de goût selon le vent qu'il fait ou le plus ou moins d'élasticité de l'air».].
Marie-Henriette Pommier, née à Mâcon le 1er mai 1790, était fille de Pierre Pommier, conseiller au bailliage avant la Révolution, puis juge de paix à Mâcon, et de Philiberte Patissier de la Presle, d'une vieille famille du pays. Elle était donc un peu plus âgée que Lamartine et c'est ainsi, sans doute, qu'il faut entendre la disparité d'âge dont il a parlé comme du premier
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