Les panzers de la mort
bruyamment. Pluto se pencha vers son oreille et hurla à lui faire éclater le tympan :
– Prêt pour l’appel ! !
Porta bondit sur ses pieds, vacilla et ânonna à l’adresse du mur blanchi à la chaux : – Soldat de 1 re classe, Joseph Porta, présent !
Il y eut un fou rire dans le corps de garde. On transporta Porta dans une cellule vide et ce ne fut que le lendemain que nous eûmes le récit de ses exploits. Toutes les boîtes de la ville y avaient passé, et, d’après ses propres dires, Il s’était envoyé des filles pour deux ans ! Chez la dernière, on lui avait barboté son uniforme et quelqu’un avait écrit à la peinture rouge, « cochon » sur son derrière. Mais qui ? Il eut été bien en peine de le dire !
Le reste de la nuit se passa à jouer au dix-sept quatre l’argent du sous-officier Reinhardt, lequel, disait Pluto, « n’en aurait plus besoin jusqu’à la fin de la guerre, moment où Il n’aurait plus cours ».
A huit heures du matin, l’officier de Garde, lieutenant Wagner, pensa s’évanouir au récit d’une des nuits les plus riches en événements que la caserne eût jamais connues ! Le point terrible, pour lui, était qu’il n’avait pas entendu le coup de feu, ce qui prouvait surabondamment, ou bien qu’il dormait, ou bien qu’il était sorti sans permission.
Il connaissait suffisamment le lieutenant-colonel von Weisshagen pour être certain que, depuis de longues heures déjà Il attendait patiemment le rapport, que, dans de telles circonstances, son officier de garde aurait dû lui apporter sur l’heure. Aussi sûr que deux et deux font quatre, le futur chef de la Compagnie de marche s’appellerait le lieutenant Wagner.
La bouche ouverte, Il envisageait le drame dans toute son horreur ! Il ne put retenir un grognement de bête, lorsque Pluto, tout souriant, lui parla des éloges du lieutenant-colonel au sujet de la patrouille et, grinçant des dents comme un cheval qui mord une betterave gelée, Il s’élança hors de la pièce.
C’était un beau matin ensoleille. Nous allâmes les prendre à la prison. Ils firent leur dernier voyage dans un camion tout cahotant, qui trouva même moyen de s’ensabler.
Puis, Ils semblèrent s’offrir aux balles pour nous faciliter la tâche. Et tout se passa au nom du peuple allemand.
ASSASSINAT POUR RAISON D’ÉTAT
PORTA grimpa le dernier dans la grosse Krupp Diesel. Le changement de vitesse grinça. Un court arrêt au poste de garde, où nous prenons l’ordre de mission.
En traversant la ville, nous fîmes des bonjours à toutes les filles que nous rencontrions ; Porta se mit à raconter une histoire grossière, Möller le pria de la boucler, et là-dessus éclata une engueulade en règle.
Elle ne prit fin que lorsque nous pénétrâmes dans la maison d’arrêt.
Le feldwebel Paust qui conduisait le commando, sauta du camion et se suspendit à la cloche de l’entrée. Quatre d’entre nous le suivirent dans l’entrée, où se trouvaient quelques biffins qui tenaient lieu de gardiens de prison. Paust disparut pour recevoir des papiers des mains du feldwebel, un grand chauve de la cavalerie, avec plein de tics nerveux. Porta demanda avec intérêt. :
– Comment que vous passez le temps, au violon ?
– Souhaite pas la place ! dit un gros gefreiter d’une cinquantaine d’années, votre travail à vous, dans la question, c’est pas long. Tandis qu’ici, ceux que vous embarquez, on les connaît depuis des mois ! Des camarades, comme qui dirait. Et encore, si c’étaient les derniers ! Mais il en revient tout le temps, c’est fou !
– Tiens ta langue, Cari ! dit un obergefreiter qui donna un coup de coude à son subordonné, en louchant dans notre direction.
Nous regardions curieusement le petit corps de garde, la table encombrée d’assiettes sales, le grand tableau noir au mur, portant des numéros et des observations concernant les cellules. Les vertes, c’étaient les condamnés à mort ; j’en comptais vingt-trois. Les rouges, c’étaient ceux qui n’avaient pas encore passé devant le Conseil de guerre ; Il y en avait beaucoup, tandis que les bleues (les forçats) n’étaient que quatorze. Il y avait encore bien d’autres couleurs, mais j’ignorais leur signification.
Sur le mur opposé, deux grandes photos d’Hitler et du général Keitel regardaient d’un œil mort ce tableau des destinées humaines.
– Qu’est-ce qu’ils foutent ; dit Stege.
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