Les panzers de la mort
nerveusement, en hâte, relut, cacheta, et donna le papier à Pluto.
– Voulez-vous l’envoyer ?
– Ça sera fait, fut la réponse brève, et le papier disparut dans une poche.
– Vous aurez une bouteille de rouge, si vous la portez vous-même, balbutia-t-elle. – Fébrilement elle évaluait le grand docker, dans l’uniforme taché d’huile des blindés, le casque d’acier repoussé sur la nuque, le fusil posé droit entre ses grandes jambes écartées aux courtes bottes de fantassin ; ses pantalons blousaient par-dessus ; la petite veste, aux revers marqués de la tête de mort d’argent, paraissait rallongée par le cuir noir de la cartouchière mal fermée, où les cartouches luisaient, mauvaises.
– Veux rien avoir… dit lentement le géant. Ça sera fait comme tu veux. Pluto, ici présent, c’est le meilleur facteur du Reich.
– Merci, soldat, dit-elle, je ne t’oublierai jamais.
Le Silence retomba. Le soleil avait finalement
percé les nuages et chauffait dur. Un oberschütze se mit à siffler une chanson que d’autres reprirent en chœur. Mais ils se turent soudain, troublés, comme si subitement, ils s’étaient rendu compte qu’ils chantaient dans une église.
La voiture s’arrêta et Paust cria à la sentinelle :
– Commando de la 2 e Compagnie de garde : un feldwebel, un sous-officier, 20 hommes, 2 prisonniers.
La sentinelle regarda dans la voiture. Un feldwebel se pencha à la fenêtre de la baraque de garde et Cria :
– Piste 9. On vous attend ! Qu’est-ce que vous foutiez donc ?
– On t’emmerde ! rétorqua Paust.
Sans attendre la réponse, nous prîmes un chemin de sable, entre les baraques où logeaient les soldats pendant leurs stages sur le terrain de manœuvres. Les villages en ruines que nous traversions avaient abrité, Il y a très longtemps, de pacifiques paysans, mais Ils étaient maintenant déserts et les fenêtres vides regardaient, perdues, les hommes en uniformes, qui, à longueur de journée, faisaient l’exercice devant les maisons et les étables abandonnées.
– Pourvu qu’il reste des pois, quand on reviendra, pleurnicha Schwartz. Pour une fois qu’on a quelque chose de bon, faut partir en commando !
Personne ne releva.
– Un lièvre ! Cria Porta très excité, en montrant quelque chose qui détalait dans la bruyère fanée. – Tous, nous tendîmes le cou. – De la vraie bidoche pour chrétiens, gémissait-Il, et faut qu’ça nous file sous le nez !
– La dernière fois qu’on en a vu un, c’était en Roumanie, près du fleuve Dubovila, dit Pluto.
– Le jour où j’ai nettoyé ce salaud de Roumain, Rigola Porta, qui oublia le lièvre pour évoquer la vie de nabab qu’ils menaient à ce moment-là.
La voiture s’arrêta. Avec un juron, Paust sauta à terre.
– Où est la piste 9 ? Cet idiot a dû se tromper, on est sur la piste de saut.
Il n’y eut aucune réponse. Il déploya une carte, la tourna, la retourna et mit un siècle avant de trouver le bon chemin. Le camion recula et s’enfonça dans le bas-côté. Les prisonniers exceptés, Il fallut que tout le monde descendît pour pousser.
– Y en a qui devraient faire un tour en Russie, dit Pluto à la cantonade, Ils apprendraient autre chose que sur ce terrain de malheur !
– Les pois sont foutus ! gémit Schwartz, fâché.
– J’t’en pisserai un coup sur tes pois ! hurla Stege. Mords-toi le cul si t’as faim I
– On n’te parle pas, merdeux du front ! rétorqua Schwartz furieux.
La bagarre allait éclater lorsque la voiture démarra enfin. Chacun se hissa en vitesse ; peu après, nouvel arrêt, c’était enfin la piste 9. Le feldwebel Paust commanda :
– Sondercommando, en avant.
Nerveux, nous sautâmes à terre et nous alignâmes devant Paust en oubliant complètement les prisonniers, ce qui mit en rage un lieutenant de la feldgendarmerie. Paust, en plein désarroi, bafouillait. Il hurla soudain d’une voix qui porta jusqu’à la lisière des grands sapins, où un groupe de civils et de militaires attendait, tourné vers nous.
– Prisonniers, en avant… ! en route, en route… "un, deux, un, deux, les enfants !
Culbutant l’un sur l’autre, les prisonniers en treillis descendirent du camion et prirent place, presque humblement, sur la gauche du commando, la fille derrière le sous-officier.
Le lieutenant était rouge, avec des traits bouffis.
IL tripotait inutilement sa large ceinture d’officier et son
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