Les panzers de la mort
explosives.
L’infanterie russe attendait le résultat de l’avance des chars, mais au cours de la nuit, elle réussit à pénétrer au milieu du village que nous quittâmes avec de grosses pertes en abandonnant nos blessés. Seuls, ceux qui ont fait une retraite précipitée dans l’enfer de la neige fraîche avec, aux trousses, de véritables assassins comme sont les Sibériens, savent ce que ce genre de guerre et le mot épuisement peuvent signifier. Encore une fois, Il faut se terrer et lutter pour sa vie contre des assaillants sauvages. Pendant plusieurs heures, la bataille continue, elle avance et recule tour à tour ; puis les Russes décrochent encore, et on nous envoie des renforts désignés sous le nom de « troupes d’alerte ». Mais c’étaient de bien fichus soldats ces troupes rassemblées à la hâte, et qui s’empressaient de détaler à la vue de l’ennemi si nous avions le malheur de les laisser seuls. Vers le soir, nous entendîmes encore la radio russe. La voix d’un chef de bataillon désespéré disait :
– L’infanterie refuse de marcher, je ne peux rien faire ; les chars sont immobilisés avec tous leurs équipages, tués ou faits prisonniers. Impossible d’avancer dans les congères qui sont de plus en plus hautes. Nous sommes violemment bombardés de Sukhiny avec des lance-grenades, des 10,5et 24. Pas connaissance d’artillerie légère, ni de chars bien qu’on entende des bruits de moteurs au nord-est. Je suppose que les Fritz vont percer au sud-est de Sukhiny ; on observe un grand rassemblement de troupes. J’ai fait fusiller quatre officiers pour lâcheté devant l’ennemi.
Quelques minutes de silence, puis une cascade de jurons et de malédictions dont la langue russe fourmille. Le supérieur menaçait de dégradation, de jury du peuple, de camp de rééducation et, pour finir :
– Il faut prendre N. coûte que coûte et par les deux côtés à la fois. Vous attaquerez à quinze heures précises, sans aucun soutien d’artillerie, pour approcher au plus près ces chiens d’Allemands. Terminé.
Von Barring, immédiatement informé, se prépara à recevoir l’ennemi. Les minutes s’écoulaient lentement, chacune d’elles avec la densité d’une heure. Porta était le seul d’entre nous qui fût tout à fait calme. Couché sur le dos, Il mâchonnait un morceau de pain rassis trouvé dans le sac d’un Russe mort, son lance-flammes prêt à servir sur son estomac. Il portait à cette arme une affection toute particulière et bien qu’il fût en réalité, « tireur de précision », personne ne savait qui l’avait versé dans les lance-flammes. Nous avions le vague souvenir de ce changement d’affectation au moment où le 27 e avait fraternisé avec les Russes près de Stalino. C’était maintenant une vieille histoire. Etait-ce là qu’il s’était procuré ce lance-flammes ainsi qu’un fusil de précision à lunettes ? Personne ne doutait qu’il n’eût une réponse toute prête au cas où un officier s’en fût inquiété !
Lorsque les Russes attaquèrent, ce fut avec une fougue et une sauvagerie qui nous coupèrent le souffle. Le village maudit nous resta cependant, mais qu’on ne me demande, pas de l’expliquer. Ce fait n’eut aucune influence sur la conduite de la guerre ; Il nous évita simplement le Conseil de Guerre, chance que n’eurent pas les collègues ; de l’autre côté, car les ondes nous transmirent quelques heures plus tard, la conversation suivante :
– Qu’est-ce qui s’est passé à N. ?
– Notre attaque a été repoussée, les tirailleurs n’en peuvent plus, le commandant Bleze s’est suicidé.
– Bien. C’est le devoir des incapables comme lui. Le major Krashennikov du 3 e bataillon prend le commandement du régiment. – Un instant de Silence, puis la voix reprend :
– Que disent les Allemands ?
– Outrecuidants ; Ils nous injurient et je suppose qu’il y a parmi eux des Français et peut-être des mahométans.
– Qu’est-ce qu’ils crient donc ?
– Je m’en fous et Allah Akbar
– Il faut les faire taire. Essayez de faire quelques prisonniers pour savoir s’il y a des volontaires français parmi eux. A liquider les premiers. D’ici deux heures, l’artillerie pilonnera, puis vous repasserez à l’attaque. N. doit être nettoyé.
Les injures en questions venaient de Porta et du petit légionnaire qui s’en donnaient à cœur joie. C’était leur façon à eux de
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