Les panzers de la mort
radio, un dernier S. O. S : « Groupe de combat Barring anéanti. Seuls survivants, trois officiers, six sous-officiers et 219 hommes. Envoyez munitions, pansements et vivres. Ne pouvons tenir plus longtemps. Attendons ordres. » – Les ordres vinrent, très brefs : « Soutien impossible. Tenir position jusqu’au dernier homme. »
Maintenant c’est l’aviation qui donne ; douze bombardiers. nous mitraillent en piqué et les bombes pleuvent sur le village. Von Barring, malgré les ordres et au risque de passer en Conseil de guerre, donne au groupe de combat l’ordre de repli : Il faut abandonner les lance-grenades, les lourdes armes d’infanterie, les morts innombrables… Ceux-là nous les rangeâmes en une longue ligne contre le parapet des tranchées vides. Morts du 104 e tirailleur, du 27 e blindé, vieux fantassins tout gris du 72 e , qui restèrent debout à regarder de leurs yeux fixes les positions des tirailleurs sibériens.
Et les vivants continuent à tomber ; ce froid c’est aussi le froid de la mort, mais qui se soucie de nous désormais ? Qui vient là ? Des blindés… Fous de fatigue, vidés jusqu’à la moelle, nous retombons dans la neige ouatée, pleurant des larmes de désespoir. Il nous reste quelques grenades contre les monstres d’acier. Les turbines de refroidissement hurlent vers nous un psaume funèbre ; cette fois c’est la fin, mais nous rassemblons nos grenades pour mourir en beauté. Se battre, se rendre ? Mourir sous les chaînes ou sous les balles d’une mitrailleuse ? De tout façon c’est la même chose.
– Ici finit notre carrière, gronda Porta. Rendez vous en enfer ! D’ailleurs j’en ai marre de ces fusillades. Elles me fatiguent !
– J’arriverai tout de suite, Ricana Petit-Frère, mais pas seul. Je bousillerai encore un de ces démons avant !
La meute fonce sur nous. Stege se soulève à moitié, retenu par Alte et moi, les mitrailleuses tirent, des hommes tombent, un soldat du 104® se prend la tête à deux mains et se replie comme un canif qu’on ferme. Le petit officier d’Etat-major se lance en avant, jette une poignée de grenades contre le premier char, tombe et se fait écraser par les chaînes ; la charge n’a pas atteint son but.
– Restez couchés et laissez-vous dépasser, crie von Barring désespéré, nous les prendrons à revers, Ils n’ont pas de grenadiers !
Mais la panique s’empare des hommes qui courent lourdement dans la neige molle sous le feu des mitrailleuses. Porta met un baiser sur sa charge d’explosif et la loge juste au-dessous du char le plus proche. Le blinde recule et stoppe. Petit-Frère, lui, a atteint son but ; Il a un rire rauque et tape sur l’épaule de Porta : – Maintenant on peut se faire écraser, on en a toujours eu deux !
Mais voila Alte qui se met à crier ! Alte crie quelque chose qui nous laisse pantelants, l’élan coupé, la bouche ouverte…
– Arrêtez ! arrêtez ! Ce sont les nôtres… regardez la Croix gammée !
Nous regardons de tous nos yeux. Les blindés allemands ! Avec une joie délirante nous agitons nos casques et nos chemises de neige ; les blindés virent sur eux-mêmes, les panneaux des tourelles s’ouvrent, des camarades nous acclament ! C’est en pleurant que nous tombons dans leurs bras… nous, les 34 survivants de tout le groupe de combat dont un seul officier demeure, le capitaine von Barring. Tous les autres sont morts, même le lieutenant Weber qui ne parlera plus jamais de Conseil de guerre.
Le commandant Bake saute de son char et vient, courte Silhouette dans la neige, serrer la main de chacun de nous, puis, avec des signes d’adieu, la 1 re division blindée repart pour élargir la percée que nous avons été les premiers à faire. Dans la poche se trouvent encore neuf divisions qui se battent avec le courage du désespoir.
Et nous, comme des pantins raides, nous reprenons enfin le chemin du retour, pour être encore et toujours reformés en une nouvelle unité de combat.
On parle de nous offrir des représentations théâtrales dans nos quartiers de repos. Le tout se solda par des ennuis pour le lieutenant colonel Hinka. Il n’avait pas compris que le théâtre aux Armées n’était destiné aux régiments disciplinaires.
LA PURÉE DE POMMES DE TERRE AU LARD
Le 27 e régiment fut envoyé un peu au nord de Popeljna, à l’orée d’un bois. Secteur calme, quelques tirs locaux d’artillerie, ce qui pour nous, était
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