Les pièges du désir
derrière son dos sur les relations de sa mère et de lord Tranville. Michael, lui, était incapable d’une chose pareille.
Sans lui, elle n’aurait pratiquement jamais l’occasion de sortir de chez elle. Sa mère restait confinée dans l’appartement, maintenant que Tranville revenait la voir. Nancy s’était mise à détester ces visites. Il semblait toujours l’évaluer du regard, comme s’il cherchait le moyen de la marier le plus rapidement possible pour se débarrasser d’elle.
Les fleurs de Michael pressées sur son giron, elle fit avec lenteur le trajet qui la séparait de la maison. En arrivant à la porte, elle entendit sonner le carillon de la pendule. Midi et quart. Elle avait promis à sa mère d’être de retour vers midi.
Depuis le vestibule, elle entendit la voix de Tranville monter du salon. Désireuse de l’éviter, elle gravit doucement l’escalier de service pour gagner la cuisine et donner de l’eau à ses fleurs.
Le valet de pied de sa mère la rattrapa à mi-chemin.
– Hello, Wilson ! Voulez-vous dire à maman que je suis rentrée ? Je vais m’occuper de mes fleurs, puis j’irai dans ma chambre.
– Votre mère veut vous voir, mademoiselle.
Nancy gravit un degré de plus.
– J’irai plus tard, elle a un visiteur.
– Non, non. Elle a insisté pour que vous alliez dans le salon dès votre retour.
Nancy soupira.
– C’est à cause de mon retard, je suppose.
Il tendit les mains vers elle.
– Donnez-moi vos affaires, mademoiselle. Je vais mettre vos fleurs dans un vase.
Elle lui confia son bouquet et hésita avant de lui remettre aussi son manteau et ses gants. Puis elle descendit l’escalier en martelant les marches d’un pas lourd et boudeur. Elle se reprit dans le vestibule, honteuse de sa conduite puérile, et se lissa les cheveux avant d’entrer dans le salon.
– Nancy, te voilà enfin ! s’exclama sa mère.
Elle et Tranville n’étaient pas seuls. Un autre gentleman se tenait au milieu de la pièce. Nancy le reconnut aussitôt. C’était le compagnon d’Edwin Tranville, celui qui l’avait dévisagée avec une insistance si peu convenable à l’Egyptian Hall. Qu’est-ce qui pouvait bien l’amener ici ?
– Ah, Nancy, ma chère ! Ravi de vous voir, dit Tranville en s’avançant vers elle.
Lord Ullman s’inclina, le visage empourpré.
– Miss Vernon, quel plaisir de vous retrouver !
Elle le salua d’une révérence.
– Bonjour, monsieur.
Sa mère lui désigna une chaise entre lord Ullman et elle.
– Viens t’asseoir avec nous, ma chérie. Nous avons une très agréable conversation.
Nancy ne voyait pas en quoi sa présence était nécessaire à leur agréable conversation . Elle n’en obéit pas moins.
Lord Ullman se pencha vers elle.
– Comment allez-vous par cette belle journée, miss Vernon ?
– Très bien, monsieur, je vous remercie.
– Votre mère m’a dit que vous étiez allée faire les boutiques ?
– J’étais au marché de Covent Garden, monsieur.
– Et qu’avez-vous acheté ?
– Des fleurs, murmura-t–elle.
Pourquoi la questionnait-il ainsi, au nom du ciel ? Et pourquoi sa mère souriait-elle d’un air débonnaire ?
– Nous étions justement en train de parler de toi, dit Mary Vernon.
Nancy se tourna promptement vers elle.
– Seulement des louanges, la rassura Ullman, qui lui tapota la main.
Lord Tranville se leva.
– En fait, lord Ullman a quelque chose à vous dire, mon enfant.
Il tendit la main à la maîtresse de maison.
– Venez, Mary. Laissons-les seuls un instant.
Nancy regarda sa mère accepter l’aide de Tranville – comme si elle n’avait pas été capable de se lever seule ! Son cœur battait douloureusement dans sa poitrine. Rester en tête à tête avec Ullman était bien la dernière chose qu’elle souhaitât.
– Maman, attendez…
Sa mère se contenta de lui lancer un regard affectueux, et Tranville referma la porte derrière eux.
Inquiète, Nancy lorgna Ullman. Jamais auparavant elle ne s’était trouvée en tête à tête avec un homme derrière une porte close. Pas même avec Michael…
Lord Ullman rapprocha sa chaise, ses genoux touchant les siens. Puis il s’empara de ses mains.
– Ma chère miss Vernon… Depuis cet instant précieux où je vous ai vue à l’Egyptian Hall, je n’ai pu penser qu’à vous. Votre image ne cesse de me
Weitere Kostenlose Bücher