Les pièges du désir
le seul commentaire qu’elle obtint.
Ils continuèrent à marcher. Michael regardait ses pieds. Adam Street n’était plus qu’à deux rues de là. Une fois à la maison, elle n’aurait plus l’opportunité de lui parler seule à seul.
– Je crois que je vais décliner l’invitation à dîner de votre mère, dit-il enfin, rompant le silence.
– Oh, non, pourquoi ? s’insurgea-t–elle.
L’idée d’affronter sa mère et son frère sans Michael lui était insupportable.
– Vous avez beaucoup de choses à discuter en famille.
Il pinça les lèvres jusqu’à ce qu’elles ne forment plus qu’un mince trait.
– Je serais un intrus parmi vous.
Elle craignit soudain de ne jamais le revoir s’il la quittait maintenant. Son cœur cognait aussi fort que tout à l’heure, lorsqu’elle courait à toutes jambes. Elle n’arrivait plus à respirer. Tout devint noir et elle sentit ses jambes se dérober sous elle.
– Nancy !
Deux bras puissants la rattrapèrent comme elle glissait à terre.
– Je… j’ai besoin de m’asseoir.
Il la garda serrée contre lui.
– Nous sommes près de la Savoy Chapel . Nous pouvons nous asseoir à l’intérieur.
Il l’aida à marcher jusqu’à la chapelle, dont la porte n’était pas fermée, heureusement. Ils allèrent s’installer dans une travée obscure, où Nancy tâcha de reprendre son souffle.
– Ne me laissez pas toute seule, Michael. S’il vous plaît…
Des larmes jaillirent de ses yeux, bien qu’elle réprimât de son mieux ses sanglots.
– Mais non, je ne vais pas vous quitter, la rassura-t–il. J’ai bien l’intention de vous ramener jusque chez vous.
– Ce… ce n’est pas ce que je veux dire…
Elle prit une longue inspiration.
– Si… si je me marie, serez-vous toujours mon ami ?
Il l’enveloppa de ses bras et la serra étroitement contre lui.
– Si vous devez vous marier…
Sa voix se fêla sur ces mots.
–… vous resterez toujours dans mon cœur.
Cette réponse la calma un peu, bien qu’elle ne fût pas certaine de sa signification. Quoi qu’il en fût, être dans le cœur de Michael ne pouvait pas lui faire de mal, surtout quand le sien se brisait !
***
Jack tenta en vain de se remettre au travail. Si, après le départ d’Ariana, il avait beaucoup avancé dans la nouvelle version du portrait, il se sentait incapable de s’y remettre. Il était trop inquiet et troublé pour cela.
En fin de compte, il décida d’aller chercher Nancy au théâtre. Il avait besoin de voir Ariana, besoin du réconfort de sa présence et de son contagieux optimisme.
Ne trouvant pas de fiacre sur le Strand, il marcha jusqu’à Drury Lane, en s’efforçant d’ignorer la sourde rumeur de Badajoz qui résonnait dans sa tête.
Après avoir pénétré dans le théâtre par l’arrière du bâtiment, il se fraya un chemin dans le labyrinthe de couloirs menant aux coulisses.
Ariana était en scène avec Edmund Kean. Tous deux répétaient une scène de l’Acte I.
– Je ressemblerai à la folle que je ne suis pas. Antoine, lui, sera lui-même.
– Mais ému par Cléopâtre , répondit Kean. Pour l’amour de l’Amour et des douces heures passées avec elle … »
Jack fureta autour de lui mais ne vit pas trace de Nancy. Dieu merci, il avait repris le contrôle de lui-même et ses voix s’étaient tues. Ariana l’aperçut et quitta aussitôt la scène pour le rejoindre.
– Je ne vous attendais pas, murmura-t–elle. Que s’est-il passé avec Tranville ?
Le plaisir d’être à son côté le submergea.
– Je les ai affrontés, ma mère et lui. Il n’a pas apprécié… Mais où est Nancy ?
Ariana le regarda, surprise.
– Mais elle n’est pas venue au théâtre ! En fin de compte, elle a préféré rentrer chez elle.
– C’est impossible. Elle n’est pas rentrée.
– Oh, Jack ! J’aurais dû rester avec elle, mais elle semblait si calme… Et elle était tout à fait décidée à retourner chez votre mère.
Elle lui empoigna le bras et le tira vers la porte.
– Il faut que vous retourniez là-bas.
Il la prit dans ses bras, sans se soucier d’être vu.
– Quelle journée infernale, vraiment !
Elle l’étreignit en retour, le serrant contre elle de toutes ses forces.
– Je ne peux pas venir avec vous, hélas. Je joue ce soir.
– Je sais. Venez demain aussi tôt que vous
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