Les pièges du désir
nuage soudain venait d’obscurcir la pièce. Jack tira les rideaux.
– Nous allons peut-être nous faire tous frapper par la foudre. Cela mettrait un terme à nos soucis !
Elle lui secoua le bras.
– Ne dites pas cela, voyons ! Je ne veux pas qu’il vous arrive quoi que ce soit, ni à votre famille.
Jack ressentit un élan de tendresse pour elle.
– Pardonnez-moi. C’était une plaisanterie de mauvais goût.
– Je vous en prie, dites que les choses vont s’arranger d’une façon ou d’une autre ! Pour conjurer le sort…
Il lui jeta un regard sceptique.
– Allons, dites-le ! A voix haute…
Il s’exécuta et ponctua sa déclaration d’un baiser. Ariana approuva d’un sourire et remit son chapeau.
– Je vais vous accompagner sur le Strand et héler un fiacre, lui dit-il lorsqu’ils furent sur le trottoir.
Elle secoua la tête.
– Non, non, allez directement chez votre mère. Je vais me débrouiller.
Ils étaient à quelques pas de l’appartement quand ils virent Tranville et Ullman approcher dans la direction opposée.
– Pas question de vous laisser maintenant ! chuchota Jack.
Lord Ullman eut un large sourire à leur vue.
– Miss Blane ! Quel plaisir de vous revoir !
Il tourna vers Jack un regard curieux.
– Lord Ullman, dit Ariana, permettez-moi de vous présenter M. Jack Vernon.
Jack inclina la tête et l’autre lui serra vigoureusement la main.
– Oh, bien sûr, le portrait ! Je n’avais pas fait le rapport. Ravi de faire la connaissance du frère de l’exquise Nancy !
L’expression de Tranville n’était rien moins qu’amicale.
– Vous m’avez promis le portrait pour bientôt, Jack. Quand sera-t–il terminé ?
– Dans deux semaines.
De toute évidence, Tranville n’avait pas renoncé à sa commande !
– Si vous me payez le solde, bien entendu.
L’autre le foudroya du regard.
– Je paierai, n’ayez crainte !
Jack adressa un signe de tête à Ullman.
– Je vous retrouverai chez ma mère dès que j’aurai mis Mlle Blane dans un fiacre.
Tranville s’avança promptement vers la jeune femme.
– Je m’en charge, Jack. Accompagnez donc lord Ullman chez votre mère.
Jack se tourna résolument vers Ariana.
– Je crains que ce ne soit pas possible.
Tranville monta aussitôt sur ses grands chevaux.
– Ne me contrariez pas, je vous le conseille !
Jack serrait déjà les poings, prêt à en découdre, quand Ariana s’interposa.
– Allez avec lord Ullman, Jack, et prenez soin de votre sœur. Elle doit passer en premier aujourd’hui.
Il pouvait difficilement la contredire sur ce point.
Ullman souleva son chapeau.
– Au revoir, miss Blane ! Mes vœux vous accompagnent.
Ariana sourit à Jack, puis s’éloigna avec Tranville.
Jack fit un geste vers la porte.
– Après vous, dit-il à Ullman.
Wilson vint prendre leurs affaires et Jack poussa le visiteur dans le salon. L’homme était nerveux et impatient ; il ressemblait davantage à un blanc-bec enivré par sa première conquête qu’à un aristocrate d’âge mûr. C’était un personnage corpulent, du genre à être affligé de bajoues d’ici quelques années. Jack le voyait déjà ratatiné par l’âge à côté de la svelte et jolie Nancy. Imaginer sa sœur unie à un tel homme le rendait malade.
Ullman jeta un regard au portrait de Nancy, accroché au mur du salon.
– Ravissante !
Une idée lui vint subitement.
– Est-ce vous qui avez peint cela ? s’enquit-il d’un air surpris.
Jack sentit l’insulte, même si elle était involontaire.
– Oui. C’est un de mes premiers portraits.
Ullman s’approcha du tableau pour l’examiner.
– Ma parole, mais c’est excellent ! Incroyable…
La remarque ne fut pas pour mettre Jack plus à l’aise.
– Asseyez-vous, je vous en prie, dit-il sèchement.
Et mettant à profit ces quelques instants de tête-à-tête avant l’entrée de sa mère et de Nancy :
– Pourquoi cet intérêt subit pour ma sœur, dites-moi ?
Ullman prit une expression extatique.
– Je serais bien en peine de l’expliquer. Quand je l’ai aperçue l’autre jour à l’Egyptian Hall, j’ai cru voir un ange. Impossible de me sortir son image de la tête ! Je n’espérais guère la revoir, je l’avoue. Jusqu’au moment où je me suis souvenu de… euh… de la relation de votre
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