Les pièges du désir
– Il me faudra effectivement quinze jours pour exécuter la copie. Mais il n’est plus utile que vous posiez.
Ariana parut perplexe et blessée. Il tenta d’adoucir son refus par des explications.
– Demain, je dois passer une bonne partie de la journée avec Lord Ullman. Il veut nous faire visiter sa maison de ville et je ne sais quoi d’autre.
– Très bien, murmura-t–elle.
Cinq minutes plus tard, Jack la regardait monter la rue en direction du Strand. Il comprit alors ce qu’avait dû éprouver Michael en voyant partir Nancy.
***
Assise dans sa chambre, Nancy frissonnait, drapée dans un châle de laine. Le feu se mourait et le seau à charbon était vide, mais elle ne voulait pas se lever pour aller le remplir. Elle demeurait assise là, le regard hypnotisé par les tisons. Tout ce qu’elle désirait, c’était être seule afin de ressasser son malheur à son aise.
Elle tressaillit en entendant frapper à la porte.
– Il y a un visiteur, mademoiselle, fit la voix de Wilson. M. Harper…
Michael ! Elle bondit aussitôt de son siège.
– Je viens tout de suite, Wilson. Dites-lui d’attendre une petite minute.
Elle jeta un coup d’œil sur sa robe. Etait-elle assez convenable ? Bah, il fallait bien qu’elle s’en contente. Se changer lui aurait pris trop de temps.
Elle se hâta vers la coiffeuse et arrangea tant bien que mal ses cheveux. Et dire que ce matin-là elle avait failli renvoyer la soubrette venue lui faire son chignon ! Elle examina son visage dans le miroir, frotta les cernes sombres sous ses yeux et se pinça les joues pour y amener un peu de couleur. Dieu, qu’elle était laide ! C’était folie que d’affronter le regard de Michael dans un état pareil.
Un jour où elle ne voulait pas l’accompagner dehors parce qu’elle se jugeait affreuse, il l’avait grondée en lui affirmant qu’elle ne pouvait être autrement que jolie.
Ce souvenir lui arracha un sourire.
Elle descendit l’escalier quatre à quatre, mais ralentit en approchant du salon. Ce serait si douloureux de le revoir, et de devoir ensuite se séparer de lui, peut-être à jamais.
Elle jeta un coup d’œil par la porte entrebâillée. Michael se tenait debout, la tête baissée, si immobile qu’elle eut un frisson de peur. Il ressemblait à cet homme qui était venu un jour, il y avait bien longtemps de cela, annoncer à Maman que Papa venait de mourir. Elle était toute petite alors, mais elle se souvenait très bien de la scène.
– Michael ?
Il releva la tête et eut un sourire doux-amer.
– Je n’ai pas cours aujourd’hui. Alors je suis venu voir si vous n’auriez pas envie de prendre un peu l’air.
– Oh, oui, je ne demande pas mieux !
Wilson avait dû rester dans les parages, car il apparut aussitôt avec le manteau et les gants de Nancy. Quelques instants plus tard, les deux jeunes gens se retrouvaient dans la rue.
– Où voulez-vous aller ? Faire les boutiques ?
Il ressemblait presque au Michael qui l’escortait si souvent dans ses promenades.
Elle laissa échapper un soupir.
– Savez-vous ce que j’aimerais ? Marcher comme dans le parc à Bath, près du Royal Crescent. Dans un lieu avec des arbres et de la verdure… où nous humerions l’odeur du printemps.
Une dernière fois , faillit-elle ajouter.
Elle avait l’impression que sa vie serait finie quand elle aurait épousé Ullman.
Michael ne répondit pas tout de suite.
– Nous pourrions aller à St Jame’s Park, proposa-t–il enfin. C’est un endroit très vert.
– Oh, allons-y alors !
Elle s’emparait déjà de son bras. Michael fronça les sourcils.
– Je ne suis pas sûr que votre mère approuverait. Le parc a une réputation…
– Quelle réputation ?
– Eh bien… Disons que deux personnes peuvent y trouver une certaine intimité.
Elle plongea son regard limpide dans le sien.
– Ma mère n’a pas besoin de le savoir !
Ils marchèrent un instant en silence.
– J’ai vu Jack hier soir, dit enfin Michael.
– Ah ?
Nancy n’avait pas la moindre envie de parler de Jack avec lui.
– Il m’a dit que vous aviez l’intention de vous marier très vite.
Elle ne souhaitait pas davantage s’étendre là-dessus. Surtout pas !
– Ullman a demandé une licence spéciale, expliqua-t–elle d’une voix brève. C’est plus rapide ainsi. Il n’y aura même pas besoin
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