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Les Piliers de la Terre

Les Piliers de la Terre

Titel: Les Piliers de la Terre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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yeux, rangea Tom dans la catégorie des hommes capables de fabriquer
eux-mêmes leur selle s’ils en avaient besoin et lui fit un petit salut de la
tête.
    « Je
suis bâtisseur, reprit Tom, je crois que vous avez besoin de mes services.
    — Pourquoi
donc ?
    — Votre
mortier s’effrite, vos pierres se fendent et votre maison ne durera peut-être
pas un autre hiver. »
    Le sellier
secoua la tête. « Cette ville est pleine de maçons. Pourquoi
emploierais-je un étranger ?
    — Très
bien, fit Tom. Dieu soit avec vous.
    — Je
l’espère, dit le sellier.
    — Un
bien grossier personnage », murmura Agnès à Tom en s’éloignant.
    La rue les
amena sur la place du marché. Là, dans une mer de boue d’un demi-arpent, les
paysans de la campagne avoisinante échangeaient leurs maigres surplus de
viande, de grain, de lait ou d’œufs pour ce dont ils avaient besoin et qu’ils
ne pouvaient pas faire eux-mêmes : casseroles, socles de charrue, cordes
et sel. Les marchés, d’ordinaire, étaient pittoresques et animés. On y
marchandait avec entrain, on échangeait des railleries d’un éventaire à
l’autre, on voyait passer parfois un ménestrel ou un groupe de jongleurs, des
putains aux visages peints et peut-être un soldat mutilé qui parlait des
déserts d’Orient et de hordes de Sarrasins déchaînés. Ceux qui avaient fait une
bonne affaire cédaient souvent à la tentation de fêter l’aubaine et dépensaient
leurs bénéfices en bière, si bien que vers midi l’atmosphère s’échauffait.
D’autres perdaient leurs pennies aux dés, ce qui provoquait des bagarres. Mais,
aujourd’hui, par une matinée de pluie, la moisson de l’année vendue ou
engrangée, le marché était calme. Des paysans trempés discutaient sans
animation avec des marchands frissonnants et tous ne pensaient qu’à rentrer
chez eux devant un bon feu.
    La famille
de Tom traversa cette foule peu joyeuse, sans se soucier des appels peu
convaincants du marchand de saucisses et du rémouleur. Ils étaient presque
arrivés de l’autre côté de la place quand Tom aperçut son cochon.
    Il fut si
surpris que tout d’abord il n’en crut pas ses yeux. Puis Agnès s’écria :
« Tom ! Regarde ! » Et il comprit qu’elle l’avait vu aussi.
    Aucun
doute : il connaissait ce porc. La bête était tenue d’une main ferme par
un homme dont le teint fleuri et la large panse désignaient quelqu’un qui mange
toute la viande dont il a besoin et même davantage : un boucher sans
doute. Tom et Agnès demeuraient plantés là à le dévisager et, comme ils lui
barraient le chemin, il ne put les éviter.
    « Eh
bien ? » dit-il, surpris de leur attitude et impatient de passer son
chemin.
    Ce fut
Martha qui rompit le silence. « C’est notre cochon ! dit-elle, tout
excitée.
    — Parfaitement »,
dit Tom, en regardant le boucher droit dans les yeux.
    A
l’expression furtive qui traversa le visage de l’homme, Tom comprit qu’il
savait que le porc avait été volé. Mais il répliqua :
    « Je
viens de le payer cinquante pence et ça en fait mon cochon.
    — Je
ne sais pas à qui vous avez donné votre argent, mais le cochon n’était pas à
cette personne. Voilà pourquoi vous l’avez eu si bon marché. A qui l’avez-vous
acheté ?
    — A
un paysan.
    — Que
vous connaissez ?
    — Non.
Écoutez, je suis le boucher de la garnison. Je ne peux pas demander à chaque
fermier qui me vend un porc ou une vache de me trouver douze hommes pour jurer
que la bête lui appartient bien. »
    L’homme
fit mine de s’en aller, mais Tom le saisit par le bras et l’arrêta. Le boucher
un moment parut furieux, puis il réfléchit : s’il se lançait dans une
bagarre il devrait lâcher le cochon ; des adversaires s’en empareraient et
l’équilibre des forces changerait aussitôt. Ce serait au boucher de prouver ses
titres de propriété. Il se maîtrisa donc : « Si vous voulez porter
une accusation, adressez-vous au prévôt. »
    Tom
considéra l’idée un instant, puis l’écarta. Il n’avait pas de preuves. « A
quoi ressemblait, demanda-t-il, l’homme qui vous a vendu mon
cochon ? »
    Le boucher
répondit sans se compromettre : « A n’importe qui.
    — Gardait-il
la bouche couverte ?
    — Maintenant
que j’y pense, en effet.
    — C’était
un hors-la-loi cachant une mutilation, expliqua Tom. J’imagine que vous n’y
avez pas pensé.
    — Il
pleut à verse, protesta le boucher. Tout le

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