Les Piliers de la Terre
cent questions
à poser et il ne savait par où commencer. Il murmura : « Pourquoi
étiez-vous sûr de sa mort ?
— Tout
le monde à bord du Vaisseau blanc est mort, affirma l’homme à la barbe
grise.
— Le Vaisseau blanc ?
— Je
me souviens, dit Edward. Un naufrage célèbre.
L’héritier
du trône s’est noyé. Là-dessus, Maud a pris sa place et ce fut le début du
conflit avec Stephen.
— Mais
que faisait-il sur ce navire ? » dit Jack.
La vieille
femme qui avait parlé plus tôt répondit : « Il devait distraire les
seigneurs pendant la traversée. » Elle hocha la tête en regardant Jack.
« Alors, tu dois être son fils. Mon petit-fils. Je suis confuse de t’avoir
pris pour un fantôme. Tu lui ressembles tant.
— Ton
père était mon frère, dit l’homme à la barbe grise. Je suis ton oncle
Guillaume. »
Jack
découvrait enfin la famille qui lui avait tant manqué : les parents de son
père. Il n’était plus seul au monde. Il avait retrouvé ses racines.
« Eh
bien, voici mon fils Tommy, annonça-t-il. Regardez ses cheveux roux. »
La vieille
femme, avec un regard attendri pour le bébé, murmura : « Mon Dieu, me
voilà arrière-grand-mère ! »
Tout le
monde éclata de rire.
« Je
me demande, fit Jack, comment mon père est arrivé en Angleterre… »
V
« Alors
Dieu dit à Satan : « Regarde mon serviteur. Job. Regarde-le. Voilà un
brave homme assurément. » » Philip marqua une pause. Il ne se servait
pas d’une traduction de la Bible, il improvisait librement sa version de
l’histoire. « « Dis-moi si ce n’est pas un homme parfait et vertueux,
qui craint Dieu et ne commet aucun mal. » Alors Satan déclara :
« Bien sûr qu’il t’adore. Tu lui as tout donné. Regarde-le. Sept fils et
trois filles. Sept mille moutons, trois mille chameaux, cinq cents paires de
bœufs et cinq cents ânes. Voilà pourquoi c’est un brave homme. » Alors
Dieu dit : « Très bien. Prends-lui ses biens et vois ce qui se
passe. » C’est ce que fit Satan. »
Tout en
prêchant, Philip ne cessait de penser à une lettre mystérieuse reçue le matin
même de l’archevêque de Canterbury. Il commençait par le féliciter d’avoir
obtenu la miraculeuse Vierge qui pleure. Philip ignorait tout de cette Vierge
pleureuse, mais il était tout à fait certain de n’en posséder aucun exemplaire.
L’archevêque continuait en exprimant sa joie d’apprendre que Philip reprenait
la construction de la nouvelle cathédrale. Or le prieur n’avait pas remis les
pieds sur le chantier en ruine. Il attendait un signe de Dieu et pour l’instant
célébrait la messe dominicale dans la nouvelle petite église paroissiale. Pour
finir, l’archevêque Théobald approuvait sa sage décision de désigner comme
maître bâtisseur quelqu’un qui avait travaillé au nouveau chœur de Saint-Denis.
Si Philip avait entendu comme tout le monde parler de l’abbaye de Saint-Denis
et du célèbre abbé Suger, le plus puissant prélat du royaume de France, il
ignorait tout de ce nouveau chœur auquel la lettre faisait allusion et en tout
cas il n’avait nommé aucun maître bâtisseur. Philip en arrivait à croire que la
lettre était destinée à quelqu’un d’autre et qu’elle lui avait été envoyée par
erreur.
« Que
dit alors Job quand il eut perdu toute sa fortune et que ses enfants
moururent ? Se mit-il à maudire Dieu ? A adorer Satan ?
Non ! Il dit : « Je suis né nu et je mourrai nu. Le Seigneur
donne et le Seigneur reprend… Béni soit le nom du Seigneur. » Voilà ce que
dit Job. Et Dieu alors dit à Satan : « Ne l’avais-je pas
prévu ? » »
Autrefois,
l’abbé Peter évitait les sermons, qui lui paraissaient d’expression trop libre,
de communication trop directe avec les fidèles. Dans son esprit, ceux-ci
devaient se contenter d’assister en spectateurs silencieux aux mystérieux rites
sacrés célébrés en mots latins qu’ils ne comprenaient pas. Mais depuis
l’enfance de Philip, les choses avaient évolué. Au lieu de demeurer les
observateurs muets d’une cérémonie mystique, les fidèles exigeaient des
explications, des règles, des encouragements, des exhortations, d’une Église
qui faisait de plus en plus partie intégrante de leur vie quotidienne.
« Je
crois que Satan a eu une conversation avec Dieu à propos de Kingsbridge,
enchaîna Philip. Je crois que Dieu dit à Satan : « Regarde mes
fidèles de Kingsbridge. Ne
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