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Les Piliers de la Terre

Les Piliers de la Terre

Titel: Les Piliers de la Terre Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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Earlscastle, loin du regard sévère de Philip. Comme de jeunes
mariés, ils étaient emportés par une insatiable passion. Pour la première fois
ils avaient une chambre dont la porte fermait à clé. Ce privilège était une
extravagance de seigneurs. Les gens dormaient et faisaient l’amour dans la
salle commune, en bas. Même les couples possédant une maison risquaient à tout
instant d’être surpris par leurs enfants, leurs parents ou des voisins qui
passaient : on ne fermait sa porte à clé que quand on sortait, pas quand
on était à l’intérieur. Aliena avait fait comme tout le monde, mais elle
découvrait maintenant le plaisir particulier de se savoir à l’abri des regards.
    Jack
l’attendait dans la nef inachevée de la cathédrale en compagnie de Martha,
Tommy et Sally. Lors des mariages, les couples échangeaient leurs vœux sur le
portail de l’église, puis entraient pour entendre la messe. Cette fois, la
première travée de la nef tiendrait lieu de portail. Aliena éprouvait de la
joie et de la fierté à se marier dans l’église que Jack construisait. Sa
cathédrale serait comme lui : gracieuse, inventive, gaie, sans
ressemblance aucune avec ce qu’on avait vu jusque-là.
    Elle le
regarda tendrement. Il avait trente ans. Il était si bel homme, avec sa
crinière de cheveux roux et ses yeux bleus étincelants. Le vilain petit garçon
était tombé amoureux d’elle dès le premier jour, il y avait presque vingt ans.
Vingt années…
    Peut-être
n’aurait-elle jamais revu Jack sans le prieur Philip, qui entrait maintenant
dans l’église, venant du cloître, et s’avançait en souriant dans la nef. Il
avait l’air sincèrement ravi de ce dénouement. Elle repensa à leur première
rencontre, elle en plein désespoir parce que le marchand de laine avait essayé
de la tromper après tous les efforts qu’elle avait dépensés pour rassembler son
sac de toisons. Elle se rappelait sa gratitude envers le jeune moine aux
cheveux noirs qui l’avait sauvée. « Je vais vous acheter votre laine… »
Ses paroles lui résonnaient encore aux oreilles. Le moine avait les cheveux
gris aujourd’hui.
    Il l’avait
sauvée, puis il l’avait accablée en obligeant Jack à choisir entre elle et la
cathédrale. Sa moralité était rigoureuse. Comme le père d’Aliena, il faisait
une nette distinction entre le bien et le mal. Mais il avait tenu à célébrer
lui-même le mariage.
    Ellen
avait jeté sur la première union d’Aliena une malédiction qui avait eu des
résultats. Aliena s’en félicitait. Si son mariage avec Alfred n’avait pas été
absolument insupportable, peut-être vivrait-elle encore avec lui. L’idée que la
vie aurait pu prendre un cours différent lui donnait des frissons, comme un
mauvais rêve. Elle se rappela la jolie petite Arabe de Tolède amoureuse de
Jack : et s’il l’avait épousée ? Aliena serait arrivée à Tolède avec
son bébé dans les bras pour trouver Jack installé dans une douillette vie
domestique. Cette seule pensée la faisait défaillir.
    Elle
marmonna le Notre Père. Il lui paraissait inconcevable aujourd’hui de
penser que, quand elle était venue s’installer à Kingsbridge, elle n’avait pas
prêté plus d’attention à Jack qu’au chat du marchand de grains. Mais lui
l’avait remarquée. Il avait deviné que pour toucher son cœur il valait mieux
aborder la jeune fille en ami qu’en amant. A force de l’entendre raconter des
histoires passionnantes, elle s’était mise à l’aimer sans s’en apercevoir. Elle
se souvenait du premier baiser, si léger, qui lui avait brûlé les lèvres
pendant des semaines. Et encore plus le second. Chaque fois qu’elle entendait
le grondement du moulin à fouler, elle se souvenait de cette vague inconnue de
désir qui avait déferlé en elle.
    Comme elle
s’en voulait encore d’avoir montré ensuite tant de froideur ! Jack
l’aimait totalement et sincèrement. Avait-elle eu si peur ? Elle s’était
détournée de lui, ce qui avait profondément blessé le garçon. La cicatrice
demeurait, elle le sentait parfois à la façon dont il la regardait quand, au
cours d’une querelle, elle adoptait un ton glacial. Les yeux de Jack disaient :
« Oui, je te connais, je connais ta dureté. Tu peux me faire du mal. Il
faut que je sois sur mes gardes. »
    Qu’y
avait-il dans ses yeux, maintenant, tandis qu’il promettait de l’aimer et de
lui rester fidèle jusqu’à la fin de ses jours ? Les

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