Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
Vom Netzwerk:
caféine. Chargé sur une poussette, débarqué dans un centre de secours à Rupt, piqué de nouveau contre le tétanos avec un grand nombre de blessés légers, il est aussitôt enlevé, étant lieutenant, dans une ambulance automobile qui roule toute la nuit. Les cahots font hurler les hommes. Dans une salle de gare où ils arrivent le lendemain matin, les blessés sont triés. Genevoix est évacué par train sanitaire vers un hôpital de l’arrière où il est opéré. Son bras était déjà « bronzé de gangrène ».
    Tant de pertes accumulées finissent par condamner l’offensive. Grossetti lui-même en convient : une action d’ensemble est impossible. Les flanquements d’artillerie allemands sont intacts, l’infanterie non ébranlée. Il est vrai que les adversaires accumulent aussi les victimes et soignent leurs blessés par centaines de milliers. L’usure n’est pas la victoire. La Garde prussienne a subi des pertes, mais tient le secteur avec efficacité. Les observateurs distinguent mal la ligne ennemie et ne peuvent informer les artilleurs. Les attaquants sont seuls. Même les Marocains n’ont pas réussi à percer le 13 mars. Il faut renoncer.
    Joffre en tire les conséquences dans sa lettre à Millerand du 17 mars : il a fait de son mieux pour aider les Russes et seconder l’offensive anglaise malheureuse entreprise par French dans les Flandres. Il a dû s’arrêter devant le renforcement considérable de la ligne allemande, et surtout de son artillerie lourde, inépuisable.
    Sur tous les fronts, la pénurie de l’artillerie française se fait sentir. Dans les Vosges, le général Putz a lancé aussi son offensive de diversion le 18 février. Un échec qui devait entraîner sa mutation début avril. Il serait remplacé par Maud’huy. Cinq jours de combats qui ont éprouvé les chasseurs. Les blessés s’accumulent dans les gorges. Les rares batteries françaises de 155 ont été neutralisées. Le hussard Corday aperçoit les artilleurs raides auprès de leurs pièces renversées. Les canons allemands sont si proches des colonnes d’assaut que l’on entend le bruit des départs. Un commandant de batterie de 65 de montagne « pleure de rage ». Ses canonniers n’ont pas d’obus, ils se défendent au mousqueton. Les blessés convoyés sur la route de la Schlucht sont massacrés par des obus de 150, renseignés par un observateur en ballon. Les bœufs attelés aux charrettes sanitaires sont abattus, les hommes achevés. Leur sang fait fondre la neige. Les blessés légers se traînent à pied, nantis de leurs fiches, faute de pouvoir être transportés. La plupart ont été touchés par des éclats d’obus. L’artillerie française ne peut contrebattre le feu d’enfer des Allemands : elle est sans munitions.
    Joffre, interpellé, se défend de son mieux. Il a signalé en temps utile, jure-t-il, la déficience des fournitures de munitions au front et le ministre Millerand a dû lui promettre d’accélérer les cadences. Viviani s’indigne des protestations du général en chef : « Il veut faire croire, dit-il à Poincaré, que c’est par notre faute qu’échoue son offensive. Lorsqu’il l’a engagée, il savait très bien à quoi s’en tenir sur les fabrications. Il veut rejeter sur le gouvernement les fautes qu’il a commises. » Poincaré, partisan de Joffre, s’efforce de le calmer.
    En attendant, il faut faire la pause, sur l’ensemble du front, tout le monde en est d’accord. Joffre évoque, pour sa défense, la fatigue des troupes engagées, tout en réaffirmant leur moral élevé. Il s’excuse presque de ne pas avoir abouti. Que les ministres ne se découragent pas pour autant : il se prépare à une action nouvelle dès que les renforts anglais, la création d’unités de réserve et les progrès de l’approvisionnement en munitions le permettront.
    *
    Joffre n’est pas le seul à envisager la reprise de l’offensive : c’est l’arrière qui l’exige. Le malaise du milieu parlementaire, à la suite de l’échec de mars, s’exprime en des sens opposés : à l’extrême gauche, on lui reproche d’avoir sacrifié les poilus en pure perte [52] . Sur les bancs de la droite et du centre, on se plaint de son immobilité. Dans un Paris survolé une nuit et bombardé par les zeppelins, le climat politique est détestable, l’angoisse monte au Palais-Bourbon où l’on prédit des catastrophes.
    Beaucoup s’en prennent à Millerand. Freycinet,

Weitere Kostenlose Bücher