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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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direction des armes, n’est-il pas possible de vous montrer avares ? »
    Les officiers sont calmes, résignés, « personne maintenant n’espère à la victoire complète ». Beaucoup de régiments de l’Est partent en Serbie. « Il faut que ceux qui croient à la victoire soient bien peu intelligents, conclut le soldat René, car tout le monde pense que nous serons vite battus en Serbie. » Le nouveau gouvernement ne lui dit rien qui vaille. Après sa déclaration à la Chambre, lue dans les journaux, René pense qu’« il faut voir la guerre durer encore bien longtemps. C’est fou, mais il n’y a rien à dire ». Quand il apprend que la classe 17 est appelée, il abandonne tout espoir de paix prochaine. Des tracts allemands ont été jetés par avions dans les lignes pour apprendre la nouvelle avec pour légende : « La classe 1917 conduite à la boucherie anglaise. » Il ne redoute rien tant que le départ d’une nouvelle offensive. « Nous n’aspirons qu’à une chose, ne plus être en guerre », dit le brancardier pessimiste du 309 e régiment de Chaumont.
    À Baccarat, il n’a rien à craindre. C’est dans la Somme que Joffre a décidé de frapper.
    *
    Au régiment de Chaumont, troupe de vieux « briscards » qui ont cousu sur leurs manches les nouvelles « brisques »
    comptant les années de campagne, on ne croit guère à cette nouvelle offensive. Les pertes des deux dernières sont trop lourdes. « On ne se figure pas ce qui s’est passé en Champagne, on ne le saura jamais. On ne peut croire qu’il y a des hommes perdus dans des lacs de boue au nord du camp de Châlons. » Peut-on imposer à l’armée à peine reconstituée le renouvellement de ces horreurs ? « Les poilus en ont assez », répond, dans une lettre adressée à sa mère, le soldat René. Et Georges Clemenceau, féroce, cite alors dans les couloirs du Sénat le mot qu’un soldat aurait prononcé devant son colonel : « Si les généraux n’étaient payés qu’un sou par jour, il y a longtemps que la guerre serait finie. »
    Ils ont passé l’hiver à organiser des régions fortifiées et les régiments d’active ont donné la main aux territoriaux. On a entrepris le désarmement des forts, trop vulnérables, pour leur substituer des défenses en profondeur. Ainsi le fort de Douaumont a perdu, sur le front de Verdun, son artillerie.
    Les unités d’active elles-mêmes marquent un flottement, lasses des combats incessants. Le 26 e régiment de Nancy a été renforcé plusieurs fois. Dès le 6 août, ses « sections franches » ont enterré leurs premiers morts. Le 10 août, les pantalons rouges de Nancy ont reçu le baptême des tirs de mitrailleuses au Signal allemand. Des officiers sont déjà tombés sous le bombardement infernal des pièces lourdes. Le régiment a perdu de son monde à la bataille de Morhange et plus encore dans la lutte pour le Grand-Couronné. Dès le 27 août, il a dû être une première fois recomplété. Les furieux corps à corps avec les Bavarois, ainsi que les bombardements incessants ont réduit certains bataillons à trois cents hommes. On touche de nouveaux renforts de réservistes, alors que la génération des appelés de 1914 est déjà décimée.
    Le 26 e a perdu encore des effectifs lors de la « course à la mer », même s’il a peu donné pendant la bataille de la Marne. Il s’est battu sur la Somme, où il a touché de nouveaux réservistes en renfort après la tuerie des 25 et 26 septembre. Il a reçu une citation à l’ordre de l’armée le 29 septembre, s’étant battu sans discontinuer pendant trois jours et trois nuits. Les attaques à la baïonnette sont commandées au clair de lune. La plupart des officiers sont morts. Le régiment a déjà changé trois fois de colonel. Nouvelle arrivée de réservistes au début d’octobre, avant d’autres combats meurtriers où même les cuistots sont mobilisés pour défendre les positions. Encore des réservistes le 11 octobre, encore des tués. On se bat contre des corps d’élite, la Garde prussienne, les Bavarois. Quand le régiment est passé en revue dans son entier pour la première fois le 3 novembre 1914, on s’aperçoit que rares sont les survivants des bataillons du 30 juillet. Des réservistes venus de toute la région et même des territoriaux ont été appelés à combler les vides.
    Ils sont aussitôt expédiés en Belgique pour la bataille de l’Yser, où l’unité est de nouveau

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