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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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éprouvée. Ils combattent avec d’autres régiments d’élite, les zouaves, les fantassins du 37 e de Troyes, les tirailleurs. On commence à parler au front de « l’esprit de corps » qui, avec des effectifs constamment renouvelés en raison des très lourdes pertes, maintient la réputation du 26 e .
    Quand il est cité pour la deuxième fois à l’ordre de l’armée et qu’il a droit enfin au repos, on lit aux nouveaux soldats les lettres des habitants de Nancy, accompagnées de cadeaux, qui remercient les poilus pour leur sacrifice. Les bleus du régiment sont pris en main par le colonel Colin qui, au repos, se charge de leur éducation patriotique. Il évoque les croix, les décorations qui ont récompensé les anciens. Il les fait défiler devant le président de la République, aux accents de la marche des « gars du 26 e  ».
    Rien n’est négligé pour perpétuer la tradition de bravoure de la plus belle unité de la division de fer. On présente aux jeunes le caporal Bach, engagé volontaire pour la durée de la guerre, ex-soldat, en tant que Lorrain, de la province annexée dans le régiment de la Garde prussienne de Berlin. Bach a retrouvé sur le terrain ses anciens camarades, il a permis de reconnaître, avec le soldat Grenewald, de Dieuze, le porte-drapeau du régiment prussien. Ces transfuges de l’armée allemande, incorporés du Reichsland, sont des exemples que l’on cite sans cesse pour leur bravoure patriotique. Ils ont choisi la France.
    Le régiment est fortement commotionné par les offensives de 1915. Va-t-il perdre à son tour le moral ? Pas question de découragement dans les rangs. Pas de repos prolongé, peu d’immobilité en secteur. Après un cours répit, en avril, le régiment a été engagé dans la bataille d’Arras, comme troupe de choc de la X e armée. Il a perdu l’essentiel de ses effectifs dans le Labyrinthe, attaqué au clairon, trébuché dans les réseaux de fils de fer barbelés non détruits. Huit cents hommes ont été perdus au premier élan, sans aucun profit. À la grenade à tir-feu, si archaïque contre les grenades allemandes à manche, les fusiliers du 26 e attaquent la Targette, affrontent les premiers jets de lance-flammes et les grenades asphyxiantes. Quinze jours de combat qui laissent le régiment exsangue. Il repart cependant en juin, après une solennelle messe aux morts dite par un ancien du 26 e , Mgr Ruch, évêque de Metz, sur un « autel de verdure ».
    Les recrues de la classe 1915 viennent d’arriver dans les bataillons. Ils sont aussitôt préparés au combat, encadrés par des officiers venus de la cavalerie, au moral élevé. On les jette, une fois de plus, à l’assaut de positions défendues par des barbelés non détruits [63] . Les bleus recrutés encore dans la région sont saisis sous une pluie d’obus à gaz, utilisés pour la première fois par les Allemands. Les nerfs des soldats sont ébranlés. Il faut les relever rapidement.
    Les anciens ont droit, après un an de campagne, à leur première permission et passent six jours dans les familles pieuses et patriotes de Lorraine qui viennent de connaître la bataille. Celles de Nancy sont bombardées par le canon allemand. Les soldats, cantonnés au sud de Saint-Nicolas-du-Port, peuvent voir leur famille très souvent, étant au repos dans un cantonnement bien tenu. Pour retremper le moral de l’unité, on la renvoie à sa région d’origine. Il en est ainsi de tous les régiments de l’Est. On organise des visites sur les lieux des précédentes batailles de Lorraine, pour mettre à l’honneur les survivants couverts de décorations. Les recrues défilent, amalgamées aux anciens, aux accents de la Marche lorraine , devant les généraux et les politiques, sous les vivats des Nancéiens.
    Le 26 e est à toute épreuve. Aussi est-il lancé dans l’offensive de Champagne, la plus meurtrière, celle du 25 septembre. Il se fait tuer, parfois par sections entières, sur la butte du Mesnil, véritable forteresse, ou devant la ferme de Beau-séjour, ainsi que dans le ravin Marson, nid à obus de gaz asphyxiants. Exténué par le tir des torpilles, il marche sur un terrain chaotique pour tomber, une fois de plus, sur un champ de barbelés intacts, scellés en terre par des blocs de ciment. Nouveau massacre. 28 officiers et 1 200 hommes perdus, plus d’un tiers de l’effectif. Quand le régiment est relevé, on ne le laisse pas au repos. Il doit travailler de jour et

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