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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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surtout de nuit à la réfection des lignes de tranchées.
    L’état-major se soucie plus que jamais de son moral. Pour remettre les survivants en forme, ils sont débarqués une fois encore en Lorraine, où le canon allemand à longue portée accable Nancy. Nouvelle prise en charge par la population qui multiplie les visites, les signes d’estime et d’affection, les branches de gui pour Noël cravatées aux trois couleurs, les visites du clergé. Cette unité d’élite, dûment recomplétée et instruite, est de nouveau d’attaque, sans murmure, pour l’offensive qui se mijote à Chantilly. Plus que jamais, Joffre veut des troupes de choc. Qu’on les ménage, qu’on les dorlote, qu’on les encense. Elles entraîneront les autres.
    *
    Pourtant on évoque déjà dans les milieux gouvernementaux le remplacement du général. Une campagne entretient dans les couloirs du Sénat les préventions contre Joffre. André Tardieu, mobilisé au GQG, s’était engagé dans une compagnie de chasseurs. Il n’avait pu tenir au front, accablé par une congestion pulmonaire dans sa tranchée. Il se disait à son retour convaincu « que la guerre durerait encore deux ans » et que c’était une folie d’avoir persévéré dans l’attaque de Champagne, après l’échec des deux premiers jours. On avait ainsi neutralisé pour longtemps l’armée française.
    D’autres allaient plus loin dans leurs critiques, dénonçant les meurtrières offensives. Driant, un député devenu par engagement colonel de chasseurs à pied en poste à Verdun, avait alerté les commissions parlementaires sur l’absence d’une seconde ligne solide dans la région fortifiée. Si l’ennemi attaquait, nous n’aurions pas, assurait-il, les moyens de le contenir. Joffre avait répondu avec humeur qu’il démissionnerait si le gouvernement accueillait les « dénonciations » d’officiers placés sous ses ordres.
    La question des effectifs le préoccupe constamment. Au 31 décembre 1915, l’armée a perdu, depuis les débuts de la guerre, près de 2 000 000 d’hommes, dont 600 000 tués et 400 000 disparus. Pour continuer la guerre, il faut en ligne 1 600 000 hommes. Joffre ne les a pas, il compte, tout au plus, 1 236 000 soldats sur les 2 700 000 mobilisés. Les jeunes de la classe 1916 sont « disponibles », comme on dit à l’état-major, ils ont été groupés en bataillons dans la zone des armées pour 100 000 d’entre eux sur un effectif de 180 000. Mais ils sont tenus en réserve, selon le principe admis jusque-là de la nécessité d’employer aux attaques des hommes nouvellement formés, non ankylosés par la guerre de position. Promis à la prochaine offensive de la Somme, ils ne doivent pas être affectés en secteurs. Il n’est pas possible d’imposer au Parlement l’autorisation de lever la classe 1917 avant le mois de janvier. On engagera donc dans les « actifs » les classes de 1915 à 1900, les hommes de 20 à 35 ans et jusqu’à 40 ans dans ce que l’on appelait autrefois la réserve. Les territoriaux de la classe 1894 seront affectés au service armé.
    On gratte les fonds de tiroir : dans les dépôts, on peut imaginer, en pure théorie, d’envoyer au front, tous les mois, 49 000 fantassins. Mais si les blessés guéris n’ont pas à subir d’instruction militaire, les inaptes, les récupérés des commissions de réforme sont loin d’être utilisables.
    L’état-major songe alors à faire appel aux « indigènes » en plus grand nombre dans les unités combattantes. L’Afrique du Nord a déjà fourni 33 bataillons et le reste des colonies 12. Une loi du 19 octobre organise les levées de troupes dans les communes de plein exercice du Sénégal, ce qui doit permettre de constituer de nouveaux bataillons de tirailleurs. Joffre compte réaliser l’amalgame entre les 22 bataillons de Sénégalais retirés du feu et 50 000 recrues destinées à fournir des renforts. L’armée d’Orient recevrait 2 bataillons malgaches et 4 d’Annamites. 2 000 Malgaches et 16 000 Annamites seraient utilisés dans les travaux du front français.
    Reste à programmer la nouvelle offensive, et d’abord à la doter de moyens suffisants, seuls capables d’éviter les nids de mitrailleuses non détruits et de pulvériser le béton des forteresses. L’état-major est bien convaincu, Foch comme Joffre, et surtout Castelnau, que la victoire dépend de la production industrielle. Les soldats ne manquent pas de

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