Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
Vom Netzwerk:
mais aussi de ménager les jeunes classes que l’on avait jusqu’ici sans vergogne poussées au premier rang des attaques meurtrières.
    Pétain lui convenait : il rassurait la troupe par des offensives peu coûteuses et bien préparées, comme celle de la Malmaison en octobre 1917. Il développait une thèse rigoureusement défensive qui ne pouvait que recevoir l’agrément des combattants. Mais serait-elle soutenue par Foch, le chef d’état-major, et par les généraux d’armée ? L’idée de la « défensive active » sur un « champ de bataille d’armée » est simple, empirique. Il faut laisser passer en première ligne les Stosstruppen, reculer jusqu’à une seconde ligne infranchissable, dûment fortifiée, et contre-attaquer à partir de deux « môles de résistance » aux ailes du champ de bataille, où seront retranchés de solides éléments d’artillerie.
    Cette tactique nouvelle ne reçoit pas l’agrément de Foch, de Micheler et de tous les « fonceurs » d’état-major, pour qui l’abandon partiel du « sol national » fait courir à la troupe un risque de démoralisation. Ils se refusent à cette aventure du « savoir reculer » et le disent à Clemenceau [94] . Ils font observer que la « défense en profondeur » exige des effectifs plus importants et une armée de terrassiers pour organiser la seconde ligne qui est loin d’exister partout sur le front. Les Britanniques n’en ont pas. Faudra-t-il aussi convaincre Haig d’adopter la tactique nouvelle, alors qu’il manque cruellement de recul à l’arrière de ses armées ?
    Un rapport demandé au général Roques établit à cinq cent mille l’effectif des travailleurs nécessaires à la réalisation du plan Pétain. Les défenses existantes, dit le général Roques, ancien ministre de la Guerre, sont « de simples tranchées, protégées par d’assez nombreux réseaux de fils de fer ». Comment engager des travailleurs civils sur les « positions intermédiaires » battues par le canon ? « Les travaux ne peuvent être exécutés que par des troupes », conclut brutalement l’ancien ministre, le 24 janvier 1918.
    Voilà pourquoi les soldats de la division de fer sont employés de nuit, en première ligne, à creuser des tranchées sur le sol bouleversé de Verdun. Les jeunes recrues manient plus souvent la pelle que le fusil et Clemenceau écrit à Pétain pour lui demander de « sacrifier momentanément l’instruction » et d’assurer d’abord la mise en place des organisations défensives. Impossible, répond Pétain : la construction d’une seconde ligne ne signifie pas le retour à l’immobilité, à l’enterrement dans une forteresse, mais à la manœuvre d’armée.
    Les Allemands eux-mêmes ont dépassé le stade de la ligne fortifiée Hindenburg. Jünger en témoigne : plus de tranchées confortables en première ligne. Une note de l’état-major a interdit de construire des abris de plus de deux mètres de profondeur. Les hommes de l’assaut n’ont plus que faire des tranchées bétonnées, construites au cordeau, des abris de six mètres et des glacis de cinquante mètres de barbelés. Il n’y a plus de « ligne de résistance principale » qui tienne. Elle subsiste peut-être, mais la victoire est au-delà, dans le grand terrain vague où les troupes d’assaut doivent s’avancer résolument.
    Le « nouvel esprit offensif » existe aussi chez l’ennemi. Il faut lui opposer une tactique adaptée, au lieu de compter exclusivement sur la première ligne pour briser l’assaut. Les Allemands ont montré, à Vouziers comme à Riga, qu’ils étaient en mesure de percer les fronts les mieux protégés.
    *
    Pétain répond à Clemenceau, le 28 janvier 1918, qu’il ne peut transiger sur l’instruction et le repos des soldats, mais qu’il poursuivra le renforcement des lignes par tous les moyens en son pouvoir. Le président du Conseil multiplie les visites au front pour se rendre compte de ses propres yeux. Il tranche, le 8 février, la querelle de doctrine en enjoignant à Pétain de résister férocement sur la première ligne, partout où les défenses de l’arrière ne sont pas prêtes.
    C’est le bon sens. Pourtant un voyage en Alsace le persuade qu’une résistance forcenée et malheureuse sur la première position livrerait le pays à l’invasion. Il finit donc par faire confiance à Pétain, pour livrer la bataille défensive qui doit sauver le pays, en

Weitere Kostenlose Bücher