Les Poilus (La France sacrifiée)
76 % des Français interrogés avaient répondu oui.
Cette guerre était entièrement préméditée par Hitler. Pour son anniversaire, en avril 1939, une immense parade militaire avait été organisée à Berlin, filmée par les actualités pour que toute l’Europe mesurât l’effort de réarmement qui avait coûté au pays la somme de 90 milliards de marks, alors que le revenu annuel n’était que de 46,5 milliards.
Deux divisions de Waffen SS ouvraient le défilé d’avril. Ainsi les hitlériens étaient-ils intégrés dans la Wehrmacht, traités en troupe d’élite, en fer de lance. Toute différence était très provisoirement biffée entre l’ancienne et la nouvelle Allemagne, l’ancien et le nouveau Reich, unis dans la même guerre, comme si l’Allemagne n’était pas devenue nazie, et la Russie communiste. On était revenu aux lignes de force des impérialismes en Europe. En se dotant d’un régime alors qualifié de totalitaire, l’Allemagne hitlérienne s’était seulement donné des moyens, dans sa volonté d’aller jusqu’au bout, sans s’attarder aux obstacles humains, infiniment plus brutaux que l’empire qui l’avait précédée et dont elle était la forme pervertie. On entendait sur les pavés le bruit infernal des nouveaux canons d’assaut, de l’artillerie lourde, des camions porteurs de tubes antiaériens. Les panzers étaient massés devant la porte de Brandebourg, survolée en rase-mottes par les nouveaux avions de chasse vainqueurs des concours internationaux de vitesse, les Messerschmitt 109.
Keitel croyait alors pouvoir disposer d’un délai pour organiser l’armée. Il n’en était pas question. En mai, il avait reçu une directive lui demandant d’étudier un plan d’invasion de la Pologne avant le 1 er septembre 1939. Le 10 juillet, les généraux étaient convoqués au Berghof. L’un d’entre eux faisait remarquer au Führer que, malgré les travaux de l’ingénieur Todt, la ligne Siegfried ne tiendrait pas trois mois. « Le Westwall tiendra trois ans », répliquait Hitler.
Le retournement diplomatique de Staline et la signature du pacte germano-soviétique en août 1939 lui permettent d’envisager l’opération à coup sûr et de négliger les Anglais devenus menaçants. Il ne saurait être question, cette fois, d’obtenir par le bluff la révision du statut de Dantzig. Ribbentrop l’a dit clairement à Ciano, gendre de Mussolini, expédié le 13 août à Salzbourg : « Nous voulons la guerre. » Hitler a ajouté : « La grande guerre doit se faire pendant que le Duce et moi sommes encore jeunes. » Il emploie l’expression qui désigne en France la Première Guerre mondiale, il est déjà prêt à recommencer, quoi qu’il en coûte à l’Allemagne. Pour lui, comme pour Daladier, il ne s’agit pas d’une nouvelle guerre. La trêve de vingt ans est seulement rompue.
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Hitler n’est pas Guillaume II, et le Reich nazi n’est pas l’Allemagne impériale. À l’évidence, les guerres seront différentes. Hitler, précisément, reprochait à Guillaume II et à son chancelier Bethmann-Hollweg de s’être engagés dans la Première Guerre sans avoir assez de chances de la gagner, et même de s’être laissé entraîner dans le conflit.
Il croyait avoir, pour sa part, réuni toutes les conditions de succès et d’abord l’essentielle : l’absence d’un second front à l’est. La campagne de Pologne, avec l’aide de Staline, ne serait qu’une formalité. Hitler n’envisageait au départ que d’y engager les seuls effectifs de paix, sans mobilisation supplémentaire. La Wilhelmstrasse avait, à son injonction, patiemment tissé des liens diplomatiques en Europe pour s’assurer de la neutralité des États, et de leur coopération économique. L’Allemagne réussirait à importer 654 000 tonnes de cuivre pour la guerre en 1939 et à fournir 21 millions de tonnes de minerais de fer à ses hauts fourneaux. Elle importerait du fer, du cuivre et du plomb d’Espagne, après un accord avec Franco. La Hongrie de l’amiral Horthy, un État satellite, livrerait ses produits agricoles et 90 % de sa bauxite à l’Allemagne.
Le roi Carol offrirait son pétrole à Hitler à raison de 600 000 tonnes par an en échange de la mainlevée par le F ü hrer sur le mouvement fasciste roumain des Gardes de fer, et d’une promesse de fourniture de matériel militaire. La Bulgarie démembrée, le roi Carol en fuite, le général dictateur
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