Les Poilus (La France sacrifiée)
roumain Antonescu deviendrait l’allié et le satellite de l’Allemagne. Les Bulgares expédieraient leur zinc, leur plomb et leurs denrées agricoles vers le Reich. En Yougoslavie, grâce aux amitiés slovènes et croates, les Allemands imposeraient un accord commercial au gouvernement de Stojadinovic pour acheter le cuivre et les métaux stratégiques.
Mais un des alliés inattendu de l’effort de guerre allemand est le gouvernement Daladier qui permet à l’industrie allemande, en mars 1939, quand Hitler s’apprête à envahir la Pologne, de conclure un accord avec la firme sidérurgique Châtillon-Commentry-Neuves-Maisons, qui recevra des équipements en échange de la fourniture de 300 000 tonnes de fer en deux ans et demi. Les Anglais ont également signé de bons accords sur les charbonnages. Ainsi Hitler, heureux bénéficiaire des livraisons de fer et de blé de Staline, ne se lance-t-il dans l’aventure qu’en ayant ses flancs et ses arrières assurés. Contrairement à Guillaume II, il croit avoir mis toutes les chances de son côté.
Il dispose aussi d’une avance sensible des armements. La balance de l’industrie moderne des canons et des poudres, des mitrailleuses et des mines n’était pas sensiblement en faveur de l’Allemagne en 1914, à l’exception des pièces lourdes, négligées par les Français. Chaque pays avait consenti, ou pouvait accomplir rapidement un effort équivalent. Cette fois l’Allemagne de Göring et de Guderian se flatterait à juste titre d’avoir fait les bons choix, et de devancer tous ses adversaires, y compris les Soviétiques, dont l’industrie d’armement n’était pas encore en mesure de fournir les unités en armes modernes. Hitler pouvait se vanter d’avoir construit en un temps très court l’armée la plus mobile et la plus puissante d’Europe, capable d’aligner sur la Meuse 10 divisions blindées et plus de 4 000 avions d’assaut.
Le développement du cinéma et de la radio permettrait d’organiser dans les zones occupées par l’armée une mise en condition immédiate des populations commotionnées par les raids aériens. 13 000 hommes aux ordres de von Werdel répandraient les fausses nouvelles et la bonne parole en Hollande, en Belgique et en France. Le docteur Goebbels ferait créer quatorze compagnies de propagande et mettre partout en place des émetteurs mobiles. Des unités spéciales (dites de la V e colonne en France, en fait le Brandenburger Regiment) jetteraient le trouble dans les rangs ennemis et les planeurs ou parachutistes occuperaient les points stratégiques à l’arrière des lignes. Les recettes du Blitzkrieg ont été appliquées dès la campagne de Pologne. Mais si elles actualisent la guerre, elles ne la renouvellent pas.
Les bombardements aériens terroristes de Varsovie et de Rotterdam, qui multiplient les victimes civiles, n’innovent pas : les villes martyres d’Arras, de Dunkerque, de Nancy et de Reims ont été rasées par les canons allemands de la Première Guerre sans égards pour les civils. Le tube à longue portée de Ludendorff en 1918 avait tué les fidèles de l’église Saint-Gervais, réunis pour le vendredi saint. Les raids des sous-marins contre les neutres dans l’Atlantique reprenaient les usages des U-Boot de la « guerre sous-marine à outrance » de 1917. Seuls les gaz asphyxiants étaient restés en 1940 dans les magasins de l’armée, ce qui permettait à la propagande hitlérienne de se targuer de respecter le droit international.
Même la traque des « francs-tireurs » n’était pas une innovation, ainsi que les prises d’otages dans la population civile. Elles étaient conformes aux usages de l’armée prussienne depuis le XIX e siècle. Les représailles étaient seulement plus dures. On n’oubliait pas, dans le nord et dans l’est de la France, les nombreuses exécutions ou brûlements de villages. Nomény, village lorrain, en 1914, ou Rossignol, village ardennais, avaient été presque des Oradours.
Ces mesures d’horreur étaient commandées au nom de la lutte contre les irréguliers. Les réquisitions forcées de main-d’œuvre civile avaient indigné les Belges en 1914. Les récalcitrants étaient conduits en Allemagne dans des camps d’internement. Toute presse libre était interdite dans les dix départements français occupés. On pouvait y lire seulement une feuille de propagande, la Gazette des Ardennes. Ainsi nul ne pouvait en juin 1940 dénoncer de
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