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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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dirigeants au temps de Guillaume II.
    Le personnel impérial et l’empereur lui-même avaient-ils décidé, comme l’a dit et écrit, dans les années 50, l’historien allemand Fischer, d’engager la guerre mondiale pour « étendre la puissance de l’Allemagne » par des buts de guerre ambitieux, affirmés dès 1914 par le chancelier Bethmann-Hollweg ? Démontrant l’unité et la continuité des buts de guerre allemands, repris et largement étendus d’abord en 1918 puis sous le III e Reich vers l’est, Fischer les attribuait non seulement aux « dirigeants politiques et militaires », mais aussi aux « milieux industriels ». Il reprenait ainsi l’analyse de l’impérialisme non réductible au simple nationalisme. Le réarmement allemand d’avant la guerre n’était pas lié à une simple « culture » de guerre. Portant beaucoup, par ses investissements les plus lourds, sur la flotte du Kaiser, il s’engageait dans la compétition mondiale et le pangermanisme n’était qu’un air de flûte plus aigrelet que les autres dans le concert de la Weltpolitik. La formulation des buts de guerre dès les débuts du conflit affirmait la volonté allemande de constituer, s’il le fallait par la force, une puissance mondiale.
    Le « vertige impérialiste » se serait, assurait Fischer, emparé de l’Allemagne. Dès 1915, le ministre des Affaires étrangères Jagow expliquait la guerre à l’est comme un « règlement de comptes entre Slaves et Germains ». L’immense empire russe devait être rejeté loin vers l’est jusqu’à la ligne Mitau-Bug ; il était « totalement étranger aux nations romanes et germaniques de l’Ouest ». En Belgique, où devait s’affirmer définitivement la puissance allemande, le général Bissing et le baron von Lancken devaient établir « un État tributaire ».
    Et de démontrer que les ambitions initiales de l’Allemagne ne s’étaient nullement démenties jusqu’à la fin du conflit. La mission des Brockdorff-Rantzau et autres spécialistes des affaires de l’Est était, au dernier moment de la guerre, de convaincre Wilson que seule l’Allemagne était en mesure de dresser une barrière efficace contre le bolchevisme. Le vice-chancelier von Payer, un libéral, déclarait en septembre 1918, alors que l’on s’orientait déjà vers une politique de concession à l’ouest : « À l’est nous avons la paix, et nous voulons la conserver, peu importe que cela plaise à nos ennemis ou non. »
    Bethmann-Hollweg avait été, selon Fischer, « le représentant d’un système dans lequel les intérêts économiques, militaires et politiques de l’Allemagne se conjuguaient pour faire de l’Allemagne une puissance mondiale ». Et l’historien montrait que la Première Guerre résultait de l’esprit offensif de l’Allemagne, qu’elle était due à la pression constante exercée sur les gouvernements des « forces conservatrices » : l’armée, l’université, l’industrie. Les mêmes qui devaient favoriser, à tout le moins accepter ou subir, Hitler dans les années 30.
    Cette thèse de la grande culpabilité provoquait dans le pays un puissant rejet de Fischer, en particulier par l’historien antinazi Gerhard Ritter. On reprochait au maître de Hambourg d’avoir uniquement étudié les buts de guerre allemands, sans se préoccuper de ceux des Alliés. Il existait aussi bien des buts de guerre impérialistes français et britanniques. Ils n’avaient pas, il est vrai, été affirmés dès 1914. Avant la Marne, le but de guerre des Français était de ne pas reculer jusqu’à la Bidassoa.
    On n’a jamais assez souligné que l’affichage en petits comités des buts de guerre était l’affaire des politiques, que la prolongation du conflit plaçait dans une situation difficile. L’opinion leur demandait des comptes. Ils en exigeaient eux-mêmes des états-majors. Seuls les militaires et les grands industriels avaient des réponses, touchant à la sécurité ou à la puissance. Pourquoi le chancelier, en Allemagne, aurait-il imposé aux militaires un programme de paix conquérante ? C’est l’inverse qui deviendrait vrai : questionné, en 1917, par le pouvoir civil, soucieux d’apaiser les oppositions et peut-être d’imaginer une sortie honorable du conflit, l’état-major opposerait constamment la rigidité de ses buts de guerre à toute velléité de négociations.
    On accusait en Allemagne Fischer de globalisation

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