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Les Poilus (La France sacrifiée)

Les Poilus (La France sacrifiée)

Titel: Les Poilus (La France sacrifiée) Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Pierre Miquel
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les Vosges. La débandade avait commencé dans l’armée Dubail, assaillie par les tirs d’artillerie de l’armée de von Heeringen, au 140 e de Grenoble, dont les soldats avaient perdu pied. Il fallait déjà constituer des cordons de troupe pour arrêter les fuyards.
    La II e armée de Nancy comprend le 20 e corps commandé par Foch, le 15 e de Marseille, le 16 e de Montpellier. Le 18 e de Bordeaux et le 8 e de Dijon suivent. Mais cette masse d’attaquants a été arrêtée par des obstacles défensifs assez puissants pour décourager les assaillants. Les gens de Nîmes et d’Avignon se sont fait tuer en pure perte en attaquant à la baïonnette l’ennemi retranché dans le village de La Garde. Ils ont eu 300 morts et 700 blessés. Plus de 1 000 hommes ont disparu, prisonniers, sans doute. Le bruit court déjà que les Méridionaux se rendent au premier choc. Ils ont reçu pour la première fois les salves des terrifiants obus des 150 et se sont débandés. Mais les fantassins de Grenoble n’ont pas réagi autrement.
    Furieux de cette affaire, Castelnau avait interdit « les engagements inutiles ». Peine perdue. On devait encore envoyer les Niçois, baïonnette au canon, se faire tuer devant les défenses imprenables du village de Moncourt. Ceux d’Antibes et de Toulon pliaient sous les obus explosifs : en une heure, mille hommes hors de combat. Pas de civières ni d’ambulances pour évacuer les blessés. Ils hurlaient dans les champs, démoralisant les autres. On avait remis au 19 août l’attaque du 15 e corps, qui tramait les pieds. Le corps de Montpellier était amputé de pertes sévères par les canons lourds. Quand les Bavarois avaient lancé leur attaque, la ligne française était déjà ébranlée. La bataille perdue de Morhange obligeait tous les corps à la retraite.
    Épreuve accablante pour les Français que cette brutale marche en arrière, de nuit, dans le désordre, qui rappelait les récits de la guerre de 70. Allait-on de nouveau ouvrir les portes du pays ? Le 15 e corps avait flanché. Le 3 e régiment d’Hyères n’avait plus que cent soldats par compagnies de deux cent cinquante. « L’infanterie désespère, disait le général Espinasse, son chef, du concours de l’artillerie. » Les relations du commandement sont toujours les mêmes : les unités sont réduites de 80 % par le feu d’artillerie, sans jamais avoir pu rencontrer l’ennemi.
    Quand sonne l’heure de la retraite, la longue marche de nuit ressemble à une débandade. Les soldats grimpent sur des charrettes de paysans. L’infanterie de Toul est réduite à quelques compagnies. Les gendarmes sont postés à l’arrière pour arrêter les fuyards. Les dragons ont pris position devant la trouée de Charmes. La retraite est mal protégée par le 20 e corps de Foch, qui a perdu ses beaux effectifs, et regrette la décimation de sa « division de fer », la 11 e de Nancy. Le régiment de Toul n’existe pratiquement plus. La 39 e division a dû laisser l’ennemi capturer son artillerie. L’honnête Fayolle déplore, à la 70 e division, les milliers d’hommes tués pour des ordres absurdes, des attaques sans éclaireurs, sans parler de l’absence de soutien d’artillerie. « C’est fou ! » écrit-il.
    À partir du 24 août, l’armée de Lorraine mène une gigantesque bataille défensive devant Nancy, aux ordres de Castelnau. En face, deux armées formidablement soutenues par leur artillerie lourde. Le combat n’est pas égal. Les troupes exténuées vont être renvoyées à l’assaut, sans plus de moyens. La première hécatombe de la guerre se prépare, à portée de canon de Nancy.
    Les marches forcées ont été de soixante-dix kilomètres pendant la nuit de la retraite, sans repos. Pourtant, même au 15 e corps, les hommes se reprennent, se traînent vers l’arrière, pressés par les Bavarois. Le 43 e colonial ne compte plus qu’un millier d’hommes qui s’enterrent devant Charmes, pendant que Castelnau prépare la contre-attaque dans le flanc de l’ennemi, à partir des défenses du Grand-Couronné.
    Pour ceux qui n’ont pas encore été engagés dans la fournaise, comme les soldats du 275 e d’infanterie de Romans cantonnés devant La Mortagne, dans la trouée de Charmes, le 26 août est un jour d’angoisse. Le commandant de Ligonnès, qui sent se rapprocher la bataille, se demande comment ses hommes vont se comporter devant le feu.
    La première épreuve, décourageante, pour

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