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Les Poisons de la couronne

Les Poisons de la couronne

Titel: Les Poisons de la couronne Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Druon
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ses longues mâchoires maigres, ses yeux
noirs un peu fous, sa bizarre pose déhanchée. Puis, revenant à Philippe de
Poitiers :
    — Eh bien, mon frère… dit-il.
    — Mon frère, je ne veux point
troubler vos pensées. J’attends que vous ayez fini de songer.
    Le Hutin rougit un peu.
    — Non, non, je vous écoute
bien, continuez.
    — D’après ses déclarations,
Evrard serait venu à Valence pour y trouver la protection d’un cardinal au
sujet d’un différend qu’il avait avec son évêque… Il faudra d’ailleurs tirer ce
point au clair, ajouta Poitiers en se penchant vers Miles de Noyers, qui
conduisait l’interrogatoire.
    Evrard entendit, mais ne broncha
pas, et Poitiers enchaîna :
    — À Valence, Evrard aurait
fait, par hasard prétend-il, connaissance du cardinal Francesco Caëtani…
    — Le neveu du pape Boniface,
dit Louis pour prouver qu’il suivait.
    — C’est cela même… et il serait
entré dans l’intimité de ce cardinal, fort versé en alchimie, puisqu’il a chez
lui, toujours au dire d’Evrard, une pièce emplie de fourneaux, de cornues et de
poudres diverses.
    — Tous les cardinaux sont plus
ou moins alchimistes ; c’est leur marotte, dit Charles de Valois en
haussant les épaules. Monseigneur Duèze a même écrit un traité là-dessus…
    — C’est exact, mon oncle ;
mais la présente affaire ne ressort pas précisément de l’alchimie qui est
science fort utile et respectable… Le cardinal Caëtani voulait trouver
quelqu’un qui pût évoquer le diable et procéder à des envoûtements.
    Charles de la Marche, imitant
l’attitude ironique de son oncle Valois, dit :
    — Voilà un cardinal qui sent
fort le fagot.
    — Eh bien, qu’on le brûle, dit
avec indifférence le Hutin qui de nouveau regardait la porte.
    — Qui voulez-vous brûler, mon
frère ? Le cardinal ?
    — Ah ! C’est le
cardinal ?… Alors, non, il ne faut pas.
    Philippe de Poitiers eut un soupir
de lassitude avant de reprendre, en appuyant un peu sur les mots :
    — Evrard répondit au cardinal
qu’il connaissait un homme qui fabriquait de l’or au profit du comte de Bar…
    En entendant ce nom, Valois se leva,
indigné, et s’écria :
    — En vérité, mon neveu, on nous
fait perdre notre temps ! Nous connaissons assez notre parent le comte de
Bar pour savoir qu’il ne donne point dans de telles sottises, si même, dans
l’heure présente, il n’est pas trop notre ami. Nous sommes devant une fausse
dénonciation de diablerie, comme il s’en fait vingt chaque jour, et qui ne mérite
pas d’y ouvrir les oreilles.
    Si calme qu’il s’imposât d’être,
Philippe finit par perdre patience.
    — Vous avez bien, mon oncle,
ouvert vos oreilles aux dénonciations de sorcellerie quand elles atteignaient
Marigny ; veuillez au moins accorder l’ouïe à celle-ci. D’abord, il ne
s’agit pas du comte de Bar, ainsi que vous l’allez voir. Car Evrard n’alla pas
chercher l’homme qu’il avait dit, mais présenta au cardinal un certain Jean du
Pré, autre ancien Templier, qui se trouvait lui aussi à Valence, par hasard…
C’est bien cela, Evrard ?
    L’interrogé approuva
silencieusement, inclinant la tête si bas qu’il montra sa tonsure.
    — Ne vous semble-t-il pas, mon
oncle, reprit Poitiers, que voici bien des hasards ensemble, et beaucoup de
Templiers du côté du conclave, à rôder autour du neveu de Boniface ?
    — En effet, en effet… murmura
Valois.
    Revenant à Evrard, Poitiers lui
demanda brusquement :
    — Connais-tu messire Jean de
Longwy ?
    Evrard serra ses longs doigts plats
sur la cordelière de son froc, et son visage osseux fut secoué d’un tic plus
violent. Mais il répondit sans trouble :
    — Non, Monseigneur, je ne le
connais pas autrement que de nom. Je sais seulement qu’il est le neveu de feu
notre grand-maître.
    — Feu… l’expression est
bonne ! fit remarquer Valois en sourdine.
    — Tu es bien certain de n’avoir
jamais eu rapport avec lui ? insista Poitiers. Ni d’avoir reçu, par
d’anciens frères à toi, aucun avis de sa part ?
    — J’ai oui dire que messire de
Longwy cherchait à garder lien avec d’aucuns d’entre nous ; mais rien de
plus.
    — Et tu n’aurais pas appris, de
ce Jean du Pré par exemple, le nom du Templier qui vint à l’ost de Flandre
délivrer des messages au sire de Longwy et emporter les siens ?
    Charles de Valois haussa les
sourcils. Son neveu Philippe, décidément, en

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