Les porteuses d'espoir
l’esprit. Elle en
avait vu, des femmes de toutes les conditions, venir se réfugier
dans son couvent, mais une troublée comme Léonie Rousseau, jamais.
Qu’allait-elle faire avec ce cas ? Toute cette histoire dépassait l’entendement.
Cette femme avait toujours été étrange. Jamais un sourire ; dans ses yeux, un
reflet de profonde souffrance. Léonie se rendit compte de la venue des
religieuses. Elle entendait leurs murmures. Dans sa tête, Léonie priait :
« Donnez-moi la force de ce sacrifice, ne me laissez pas succomber à la
tentation, délivrez-moi du mal qui me ronge. »
Ces dernières heures, elle avait revu sa vie. Elle était une belle jeune femme,
elle fuyait la maison paternelle. Elle aspirait à une vie tellement différente
de celle de sa mère. Elle s’était trouvé du travail au magnifique hôtel de
Roberval. Elle n’était peut-être que femme de chambre, mais elle avait son
indépendance. Elle avait choisi Roberval, car la ville était située sur le bord
du lac Saint-Jean et en face de la Pointe-Taillon, où sa sœur adorée vivait.
Anna était plus âgée qu’elle et était mère d’une famille nombreuse. Ah ! sa
chère nièce Marie-Ange et son neveu Ti-Georges. Mais le mari de sa sœur était un
homme porté sur la boisson et un jour, il avait abusé d’elle. Il l’avait traitée
comme une moins que rien, car il avait entendu dire qu’elle avait une aventure
avec un client de l’hôtel et qu’elle vivait dans le péché avec cet homme dans
une maison de Roberval. C’était la vérité. John Morgan lui avait fait tourner la
tête. Sa seule défense était qu’elle avait cru à ses belles promesses de
mariage. Mais c’était avant qu’elle ne découvre l’existence d’une épouse. Dès
qu’elle avait su, elle avait rompu. En même temps, sa sœur mourait en accouchant
de Julianna. Son beau-frère, en colère, les avait chassées, elle et la
nouveau-née que sa sœur lui avait fait promettre d’élever. C’était là qu’elle
avait commis une faute si grande. Elle avait écrit à son ancien amant et lui
avait fait croire qu’il était le père de cette petite fille dont elle avait la
charge. En échange de son silence, elle lui demandait de l’argent. John lui
offrit beaucoup plus. Elle s’étaitretrouvée propriétaire d’une
maison à Montréal. Elle y avait élevé Julianna, la gâtant le plus possible. Bien
des années plus tard, elle était revenue à la Pointe-Taillon faire la paix avec
le père de Julianna. Elle était tombée éperdument amoureuse du voisin de
celui-ci, Ernest Rousseau, qui avait un fils adoptif qui épousa Julianna en même
temps qu’elle-même acceptait l’alliance avec Ernest. Une drôle de double noce.
Mais ce mariage, elle n’aurait jamais dû l’accepter. Elle avait promis au
Seigneur d’expier sa faute en se privant d’amour pour le reste de sa vie. Encore
une fois, elle avait été faible. Dieu l’avait punie en venant chercher Ernest
dès leur retour de voyage de noces. Mais ce n’était pas assez. Les années qui
suivirent avaient aussi été une suite de châtiments. La perte de leurs biens, la
mort de Marguerite, la première femme de son neveu Georges, et tant d’autres
signes qu’elle s’était refusé de voir. Jusqu’à ce qu’elle se résigne et qu’elle
vienne se cloîtrer. À force de prières et de contemplation, elle croyait que
Dieu lui accorderait enfin son pardon, mais cela n’avait pas été le cas. Après
qu’elle avait reçu l’annonce du feu et de toutes ces vies enlevées, ces âmes
innocentes, elle avait erré une fois de plus dans les ténèbres de
l’incompréhension. Mais qu’est-ce que le Seigneur attendait d’elle ? Chavirée,
elle le suppliait de lui montrer la voie à suivre. Cela lui avait pris des mois
à comprendre le dessein de son Dieu. Il lui fallait le sacrifice suprême.
Égoïstement, elle s’était mise à l’abri, dans ce couvent des Carmélites. Elle
avait tout laissé derrière elle. Au monastère, elle avait prié jour et nuit que
le Très Haut lui pardonne ses fautes. Mais cela n’était pas suffisant. Elle
n’avait pas compris que le Seigneur lui demandait beaucoup plus. Une nuit,
l’illumination lui était venue. Elle avait su quoi faire. Un voile de paix
l’avait alors entourée. Elle avait rédigé ses volontés, s’était déshabillée et
étendue
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