Les porteuses d'espoir
disparaître à la rivière, ajouta-t-il plus doucement.
Sans attendre que le cheval se soit immobilisé, le jeune homme sauta à
terre.
— Dis à ta tante que j’arrive.
Sans répondre, Elzéar partit vers la maison de son oncle d’un pas joyeux.
Vraiment, la bonne humeur de ce dernier l’étonnait… Docile, le cheval s’arrêta
sans que François-Xavier ne lui en donne l’ordre. Les rênes à la main, l’homme
resta un instant pensif. Tout à l’heure, il avait souri en voyant sa fille
Yvette faire la course avec son chien jusqu’à la grange. Au moins, ses enfants
n’avaient pas trop été marqués par le drame. Comme il aimerait avoir cette
faculté de se relever des événements ! Mais quand même, il y avait quelque chose
de malsain dans l’attitude d’Elzéar. Perdu dans ses pensées, machinalement,
François-Xavier descendit à son tour. S’approchant de son cheval, il examina une
de ses pattes. Il avait cru percevoir un léger boitement dans le trot de
l’animal. Non, vraiment, il ne pourrait remettre plus longtemps une conversation
avec Georges. Ne serait-ce que pour parler de Jean-Marie. Georges ne voulait
plus rien savoir de son plus vieux. C’était toujours bien son fils ! Celui-ci ne
pourrait rester toute sa vie caché chez les trappistes ! La bête renâcla. Elle
n’aimait pas qu’on lui touche ainsi les pattes. Ce n’était qu’un caillou qui
l’incommodait. Jean-Marie avait été moins chanceux, enfant, lorsqu’il s’était
fracturé lajambe. Il avait gardé une claudication de cet
accident. Georges n’avait jamais accepté cette diminution physique chez son
fils. François-Xavier s’était souvent questionné sur cet état d’esprit. Il avait
grandi avec Georges. Il le connaissait comme le fond de sa poche. Il savait le
désarroi que son ami avait ressenti de perdre sa mère si jeune, et celui d’avoir
pour père un homme rude et alcoolique. François-Xavier avait cru que Georges, au
contraire, vouerait un amour paternel sans borne à ses fils. Mais, c’était comme
si Georges cherchait la perfection, toujours. Il n’avait pu admettre que
Jean-Marie ne corresponde pas à ses idéaux. Cette complexité chez son
beau-frère, François-Xavier n’avait jamais réussi à tout à fait la comprendre.
Il n’en devinait les causes que dans l’enfance blessée de celui-ci. Malgré
toutes les bonnes raisons du monde, il était inconcevable pour François-Xavier
qu’un père renie son fils comme Georges l’avait fait avec son aîné.
Il sortit son couteau de poche et retira le caillou du fer à cheval. Pauvre
Jean-Marie… Il n’était pas en grande forme d’après les moines trappistes qui
l’hébergeaient. Georges n’était pas raisonnable. Il avait mis le compte de
l’incendie sur le dos de son plus vieux. Ce n’était toujours bien pas de la
faute de Jean-Marie s’il avait accepté de donner le gîte à deux pauvres quêteux
par une nuit glaciale de janvier ! Même si Georges tenait son aîné responsable
d’avoir laissé les deux arrivants attacher leurs chiens à des gallons de naphta
et de les avoir renversés... non... Plus le temps passait, plus il était
difficile de reparler de ces faits. Dans ces temps d’épreuves, Jean-Marie et
Elzéar ne devraient pas être séparés. Les deux frères de dix-sept et dix-neuf
ans n’étaient encore que des gamins… Ils avaient besoin d’être réunis, d’être en
famille, enfin ce qu’il en restait.
François-Xavier caressa l’encolure du cheval. Ses neveux n’étaient pas les
seuls à avoir besoin de soutien. S’il ne se retenait pas, François-Xavier aurait
pleuré comme un bébé dans la crinièrede sa jument. Secouant la
tête à cette image puérile, il entreprit de dételer l’animal. C’est vrai qu’il
aurait désiré être consolé. Il avait cru trouver ce réconfort dans les bras de
son épouse. Mais Julianna, c’est à croire qu’il l’avait également perdue lors de
l’incendie. Elle était à prendre avec des gants blancs, toujours sur la
défensive, en colère... Il entraînait le cheval vers l’étable quand le hurlement
d’Yvette lui parvint. Lâchant tout, il se précipita à l’intérieur du bâtiment.
Sa fille lui tournait le dos et fixait avec horreur quelque chose de pendu. Il
ne voyait pas bien, elle lui cachait une partie de la scène, mais il discerna et
reconnut la
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