Les porteuses d'espoir
sommeil à s’installer en composant des symphonies dans sa
tête. Au moins, il n’urinait plus au lit. Depuis qu’il vivait chez son parrain,
il avait développé son rituel. Il fumait une dernière cigarette et s’étendait
tout habillé dans le noir. Il ne retirait que son veston et sa chemise. Il sesentait plus en sécurité. Ici à Montréal, il avait le luxe
d’avoir une chambre à lui tout seul. Il payait une pension. Son travail comme
vendeur de chaussures lui rapportait assez pour qu’il se permette, en plus,
quelques dépenses personnelles. Il aimait bien s’acheter des chemises. S’il
avait pu être assez riche, il aurait porté le vêtement une fois et l’aurait
jeté. Rien n’égalait la sensation du tissu neuf sur sa peau, l’odeur
particulière de la virginité du vêtement. Il était un homme maintenant. La
maison familiale ne lui manquait pas vraiment. Son parrain le traitait comme son
protégé. Il le présentait à ses collègues et essayait de stimuler chez lui une
passion en l’entretenant de politique. Mais Mathieu n’en pouvait plus d’entendre
parler de la guerre de Corée, de Duplessis et de Dieu sait quoi ! Mathieu lisait
bien la déception dans le regard de son parrain. Il faisait mine de l’écouter,
mais dans sa tête, c’étaient des notes qui s’égrenaient.
À nouveau, Julianna alla s’enfermer dans la salle de bains de son appartement.
Quel luxe de pouvoir ainsi se pencher sur une toilette ! Elle avait tellement
chaud. Ce devait être son retour d’âge. Elle prit un linge, le mouilla et le
passa sur son visage et son cou. Elle revint sur la nuque, appréciant
particulièrement ce bienfait. Les fenêtres étaient toutes grandes ouvertes, mais
il n’y avait pas de fraîcheur qui rentrait. Les pleurs d’un bébé lui parvinrent
de la rue. Ses voisins ressentaient aussi la canicule. C’était certainement une
des seules choses qui lui manquaient de la vie rurale de Saint-Ambroise :
s’endormir en toute quiétude. Ici, sur la rue Racine à Chicoutimi, le sommeil
venait avec le bruit. Elle continua à se rafraîchir en laissant son linge
détremper sa robe de nuit. Si, en plus de la chaleur, elle ne souffrait pas de
lourdeur dans les jambes ! Ces impatiences la prenaient dès qu’elle s’étendait.
Ellesouffrait également d’un léger mal de ventre qui lui
rappelait ses journées de maladie féminine. Depuis ces derniers temps, son corps
de femme était tout à l’envers. Elle n’avait personne avec qui en parler. Elle
avait moins envie que son mari la touche. C’était plus difficile de ce côté-là.
Encore tout à l’heure, elle l’avait refusé. Pauvre François-Xavier, il n’avait
pas insisté et s’était retourné, faisant mine de préférer s’endormir… La
débarbouillette lui fit du bien. Presque sans s’en rendre compte, elle porta le
linge entre ses jambes. Elle devait prendre soin de son mari. Tout en se
caressant, elle s’imagina revenir dans la chambre, sans faire de bruit,
s’approcher du lit, retirer sa jaquette. Elle soulèverait le drap de coton et
d’une main douce elle remonterait sa main entre les jambes de l’homme. Il
tenterait de la prendre dans ses bras, heureux, étonné, mais elle lui
ordonnerait de rester sur le dos, immobile, lui dirait que cette nuit, c’était
elle le maître. Elle le caresserait avec sa bouche. Il tenterait de lui prendre
les seins et, de nouveau, elle l’obligerait à rester immobile sous peine qu’elle
mette fin à son jeu. Quand elle n’en pourrait plus, elle s’assoirait à
califourchon sur lui, se penchant un peu, le narguant de ses mamelons pointés
qu’il n’aurait pas encore le droit de toucher. Lentement, elle savourerait
chaque endroit de son corps, le ressentirait comme jamais. Julianna sourit.
Soudain, elle se sentait beaucoup mieux. La chaleur était devenue supportable.
Elle ne ressentait plus aucun malaise. Elle décida de retourner se
coucher.
Il retourna l’oreiller afin de retrouver le côté plus frais. François-Xavier
détestait cet appartement. Frustré par le rejet de Julianna, il eut envie de se
relever et d’aller fumer une pipe. Mais, à la place, il essaya de relaxer. Rien
ne fonctionnait comme il le désirait. Le travail à la fromagerie ne s’était pas
révélé un bonchangement. Le propriétaire venait de vendre
l’entreprise à son fils et
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