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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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je
     voulais des talons. Avec la robe qu’Isabelle me prête, ça va aller
     parfaitement.
    Se rechaussant, elle reprit courageusement ses exercices.
    — Des talons, ma fille, c’est comme un cheval qui…
    — Ah ! matante, on passera pas toute la ménagerie. Des talons, c’est beaucoup
     plus élégant, finit-elle avec des airs de grande dame.
    Devant la démarche saccadée et ridicule de sa nièce, Marie-Ange leva les yeux
     au ciel.
    — L’élégance même…
    Plus l’heure du concours approchait, plus Yvette se sentait malade de
     nervosité. Elle se laissa tomber dans un fauteuil.
    — Matante, dit-elle d’une petite voix, vous allez prier pour moi ?
    — Tu sais, ma fille, que le Bon Dieu pis moi, on est brouillés,
     répondit Marie-Ange. Après ce qu’il a fait à Georges…
    — Ça fait des années de cela...
    — Treize ans, l’âge d’Hélène.
    — Vous avez les yeux pleins d’eau, matante.
    — Je suis rendue une vieille chialeuse. Je suis trop âgée pour élever une
     adolescente.
    — Hélène est un ange !
    — Faut pas se fier aux apparences ! Si tes parents avaient encore la terre à
     Saint-Ambroise, je l’aurais envoyée passer l’été chez Julianna. C’est pas bon
     qu’une jeune fille traîne sur les trottoirs de Montréal. Si septembre peut
     arriver…
    — Quand elle est à l’école, vous rêvez à l’été parce que vous trouvez les
     journées longues ; vous ne savez pas ce que vous voulez, ma tante.
    — C’est pas de ma faute si les sœurs se plaignent d’elle toutes les
     semaines !
    Imitant l’air pincé d’une religieuse, Marie-Ange dit :
    — Hélène a utilisé un mauvais langage. Hélène a eu l’impudence de se coiffer
     les cheveux sur le côté, Hélène portait du rouge à lèvres ! Sous ses dehors
     angéliques, cette enfant me fait damner. Mauvaise influence… si elle se tenait
     pas avec la petite Côté aussi ! C’est fou, autant Hélène ressemble à sa défunte
     mère par sa timidité, autant elle me rappelle Ti-Georges. Quand son père était
     petit gars, il pensait qu’à des tours pendables pis à faire des farces.
    — Mononcle Georges ? J’ai plutôt le souvenir d’un homme qui ne sourit
     jamais.
    Songeuse, Yvette resta un moment silencieuse. Elle secoua la tête et se
     leva.
    — En tout cas, priez quand même pour moi, matante, dit-elle en se dirigeant
     vers sa chambre. Il faut que je gagne ce concours, sinon…
    — Sinon ?
    — Sinon je me fais bonne sœur comme Laura, juste pour vous embêter !

    Restée seule, Marie-Ange demeura prostrée dans le fauteuil. Elle n’avait plus
     d’énergie, pas plus que d’appétit. De la poche de son tablier, elle sortit une
     lettre qu’elle avait déjà lue une dizaine de fois.
    La missive venait des États-Unis. Elle y apprenait le décès d’un de ses
     petits-fils. Marie-Ange n’avait parlé à personne de cette terrible nouvelle. Il
     y avait si longtemps qu’elle avait pris l’habitude de taire son passé. Elle
     comprenait que ses enfants n’aient eu que l’envie de partir vivre le plus loin
     possible de leurs parents quand ils en avaient eu la chance. Ils s’étaient mis à
     l’abri, là-bas, aux États-Unis. Avaient-ils pu ainsi oublier la méchanceté de
     leur père ? Marie-Ange l’espérait. Son défunt mari, que le Diable ait son âme,
     n’avait pas été facile à vivre. Au début de leur mariage, il avait semblé être
     un bon parti, enfin, le premier qui lui offrait la chance de quitter la maison
     paternelle. Il avait un sourire charmant et semblait avenant. Cela n’avait guère
     pris de temps que tout s’était gâté. Cela avait commencé par des insultes,
     ensuite, ce furent les coups.
    Les premiers temps, il s’excusait de sa brutalité, ajoutant que c’était elle
     qui l’avait provoqué, qu’elle savait qu’il avait faim quand il revenait de
     travailler, qu’il voulait son repas prêt sur la table, que le col de sa chemise
     n’était pas bien empesé, ses bas, mal rangés dans son tiroir. Ensuite, quand les
     enfants avaient grandi, il s’en était pris à eux. Il n’avait pas de préférence
     et c’était celui ou celle qui avait le malheur d’être trop près qui recevait la
     volée pour une broutille. Marie-Ange avait fait son possible pour s’interposer,préférant mille fois recevoir les coups à la place de ses
     enfants. Elle s’était vite aperçue que cela empirait les

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