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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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à lui tout seul.
    — Jamais je n’ai parlé de révolution !
    — À peine ! S’il fallait vous mettre un fusil dans les mains, vous iriez
     abattre mon Duplessis, un homme si bon pour nous !
    — Marie-Ange, je ne peux pas croire que vous appuyez ce despote !
    — Un vote, c’est secret. J’ai pas de mari, moi. J’suis pas obligée de voter du
     même bord. Pis Duplessis a pas de femme itou. Je pourrais faire l’affaire. Si je
     pouvais le rencontrer...
    — Marie-Ange, cet homme se prend pour un petit roi de pacotille !
    — Si j’étais reine à ses côtés, on règnerait à deux.
    — Il nous empêche d’évoluer, de devenir libres !
    — Libres, je savais pas qu’on était attachés, Henry.
    — On est plus qu’enchaînés, on est asservis ! Duplessis nous traite comme des
     enfants. Menaces, punitions, récompenses. Votez pour moi, vous aurez un bout de
     chemin en gravelle, sinon vous perdrez votre emploi.
    — On a ce qu’on mérite dans la vie.
    — On nous aveugle, Marie-Ange, je ne peux pas croire qu’une femme de votre bon
     sens ne voie pas plus clair que cela ! Vous me faites marcher !
    Isabelle intervint.
    — C’est pas la première fois pourtant, Henry. Vous tombez
     toujours dans le panneau. Madame Marie-Ange est ben trop indépendante pour se
     faire influencer.
    — C’est vrai ! C’est mon droit, mon indépendance de femme d’aimer Duplessis ou
     pas.
    — Parlons-en, d’indépendance ! Les Philippines, Marie-Ange, les Philippines ont
     eu leur indépendance en 1946, l’Inde, le Pakistan, en 1947, et nous autres, on
     fait quoi ? De la dépendance, de l’abaissement, de l’asservissement, de
     l’assujettissement !
    — Qui se douterait que cet homme est un avocat ? plaisanta Isabelle en parlant
     d’Henry.
    Marie-Ange redressa les épaules.
    — Quand il sort ses grands mots, c’est parce que j’ai raison.
    — Non, vous avez tort ! Duplessis n’a pas d’honneur.
    — Au contraire, c’est pour ça que Duplessis refuse l’argent d’Ottawa. Ils ont
     pas d’affaire à se mettre le nez dans nos écoles. Je l’admire, Duplessis, depuis
     qu’il dit non à Ottawa !
    — Vous n’avez rien compris ! Refuser les subventions fédérales pour les
     universités, c’est garder le contrôle, le pouvoir ! Si les Canadiens français ne
     s’instruisent pas, ils ne sont pas dangereux. Ils vont suivre ce que le chef va
     dicter.
    Quand Marie-Ange se lassait de son jeu, elle disait d’un ton doucereux :
    — Henry, échauffez-vous pas les sangs, c’est pas bon à votre âge…
    Henry se taisait, rouge de confusion, jetant un regard de biais à Isabelle qui
     surenchérissait :
    — En tant que garde-malade, j’appuie madame Marie-Ange. Il faut pas vous
     énerver, monsieur l’avocat…
    Henry baissait un peu les yeux. Yvette savait bien à quoi il pensait durant ces
     moments. Elle en avait parlé avec Isabelle, qui était devenue une amie très
     chère.
    — Tu l’aimes bien, mononcle Henry, n’est-ce pas
     Isabelle ?
    — Je l’aime plus que bien, ma petite curieuse, je l’aime… beaucoup.
    — Lui aussi, ça crève les yeux quand il te regarde. Pour moi, on va aller aux
     noces un jour.
    — J’ai ben l’impression que ce cher Henry osera jamais. Il dit qu’il est trop
     vieux pour moi…
    Pauvre Isabelle, elle avait semblé si découragée en admettant cela. Yvette
     avait poussé l’audace jusqu’à demander à son amie, en chuchotant :
    — Vous êtes-vous déjà embrassés ?
    Isabelle ne s’était pas offusquée. Elle s’était mise à rire.
    — Ben certain… Cet homme, un jour, je vas lui mettre le grappin dessus, qu’il
     le veuille ou non. Il faut juste que je sois patiente. Comme toi avec ta
     carrière. Je suis certaine, Yvette, que ça va marcher. Il faut pas abandonner.
     Il faut que tu aies confiance.
    Yvette lui avait confié combien elle avait envie de tout envoyer valser
     parfois. Dans son lit, Yvette repensa au concours du lendemain. Elle ferma les
     yeux très fort. Avoir confiance... C’était certainement la leçon la plus
     difficile à retenir de toutes. Doucement, elle repoussa les couvertures et
     s’agenouilla à côté du lit. Il ne lui restait plus que la prière pour lui venir
     en aide.

    Il y avait longtemps que Mathieu ne priait plus avant de s’endormir. Cela
     n’aurait rien changé à la venue de ses mauvais rêves. Il avait plutôt pris
     l’habitude d’aider le

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