Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
Vom Netzwerk:
y a Tremblay Express à Jonquière qui se cherche un chauffeur de
     camion. Je rencontre le boss demain.
    — À Jonquière, tu pourrais aller vivre avec ton parrain.
    Pierre hésita. Il aurait aimé pouvoir discuter de la chicane entre son père et
     son oncle, mais il lui avait été impossible d’aborder le sujet.
    — Maman, je vous l’ai dit, je veux être indépendant.
    — Bon, c’est à toi les oreilles. Pareil comme ton père.
    Pierre se releva du banc décidément trop inconfortable. Il décida de faire
     quelques pas dans la nuit. Non, il n’avait pas à se plaindre. Il était un bon
     fils. Régulièrement, il donnait un peu d’argent à ses parents.
    — Vous êtes ben fins, avait dit sa mère la veille en recevant l’enveloppe
     hebdomadaire. Yvette pis Mathieu nous envoient aussi leur part chaque mois.
     C’est ben certain qu’avec le salaire de ton père qui n’est pas faramineux, on ne
     crachera pas sur l’aide de nos enfants.
    — Comment ça va à Montréal ? avait demandé Pierre.
    — Mathieu vend toujours des chaussures pour le Juif pis Yvette travaille dans
     sa manufacture. Mais elle suit des cours de chant et de théâtre.
    — Quelle perte de temps et d’argent ! J’en reviens pas maman, que vous la
     laissiez faire ! Papa lui-même doit pas être d’accord.
    — Pierre, c’est le rêve de ta sœur de devenir chanteuse.
    — C’est pas un métier ! Qu’elle se marie donc, la p’tite sœur, comme les autres
     filles.
    Sa mère lui avait jeté un drôle de regard.
    — Vous autres, les hommes…
    Si sa sœur Yvette avait été témoin d’une étoile filante comme lui, cette nuit,
     nul doute qu’elle aurait su quoi souhaiter…
    Pourquoi n’avait-il pas de rêve, lui aussi, comme Yvette ? Il avait parfois
     songé à partir à la recherche de son héritage, en Gaspésie. Mais ce voyage au
     bout du monde lui semblait irréalisable. Il s’était contenté de peu, avait
     recherché la tranquillité d’un quotidien sans tracas et c’est ce qu’il avait.
     Avec une bonne paye, personne à sa charge, il pouvait se gâter, manger au
     restaurant, s’acheter des cigarettes déjà roulées, sortir ou faire des siestes
     un dimanche entier s’il le désirait. Son emploi chez Tremblay Express était
     plaisant. Au volant de son camion, il transportait des marchandises à travers la
     région. Il sortait avec les autres gars, le samedi soir, à la taverne de
     Jonquière, ou emmenait une fille danser. Ces filles, il les embrassait et allait
     parfois plus loin avec les plus faciles, qui ne demandaient rien en échange. Sa
     mère aurait été scandalisée de ses fréquentations. Pierre réfléchit. Il
     s’ennuyait, oui, il s’ennuyait. Il avait besoin d’un défi. Le temps de la petite
     vie facile était terminé. Il s’étendit à nouveau sur le banc. Il n’allait
     certainement pas gaspiller une étoile filante ! Il ferma les yeux et fit son
     vœu :
    — Je voudrais rencontrer une bonne fille pis la marier.

    — T’as l’air d’une dinde qui cherche sa pitance, dit Marie-Ange à sa
     nièce.
    Dans le salon, Yvette s’exerçait à marcher d’un pas élégant. Porter des talons
     était beaucoup plus difficile qu’elle ne l’avait cru ! Elle avait beau s’y
     évertuer, elle ne réussissait pas à faire trois pas sans se renverser les
     chevilles. Jouant à l’indifférente, elle répondit à sa spectatrice :
    — Comme on dit, matante, vos paroles glissent sur moi comme la
     pluie sur le dos d’un canard.
    — Porte donc tes chaussures ordinaires, tu vas te casser la gueule avec ces
     échasses, s’impatienta Marie-Ange.
    Excédée, Yvette se retourna vers sa tante.
    — Je peux toujours bien pas me présenter au concours avec mes godasses de
     travail.
    — T’aurais quand même pu choisir des souliers un peu plus pratiques. Au prix
     que tu les as payés en plus.
    Avec un soupir de découragement, Yvette s’assit sur le bord du divan et retira
     un des escarpins.
    — Matante, je suis allée au magasin de Mathieu, ce sont les moins chers que
     j’ai trouvés. Ce n’est pas de ma faute si je n’ai pas eu de rabais.
    — Un Juif, fallait pas s’attendre à autre chose.
    — Ils n’avaient plus ma pointure, par exemple. C’est certain qu’ils sont un peu
     grands. Je les ai bourrés de papier.
    — Tu aurais dû me laisser y aller avec toi.
    — Pour que la chicane pogne dans le magasin, non merci. J’avais mon idée,

Weitere Kostenlose Bücher