Les porteuses d'espoir
avons discuté avant le repas.
— Pensez-vous Henry que… que vous pourriez en savoir un peu plus sur ce
Paul-André ?
— Qu’entendez-vous par là ?
— Ben... je vous demande pas de faire de l’espionnage russe, mais… je sais pas,
y a quelque chose qui me fatigue. Vous savez, j’ai le nez pour ce genre de
choses. C’est comme pour cette face de rat d’Albert Morin qui voulait marier
notre chère Léonie… Je l’avais flairé tout de suite. Je dis qu’il y a anguille
sous roche, pis quelque chose de pas net avec ce Paul-André.
— Bien, je peux essayer de me renseigner, si ça peut vous
rassurer, accepta Henry.
— Mais ce n’était pas d’Yvette que je voulais vous parler.
Surpris, Henry regarda la femme aller à un secrétaire, en ouvrir un tiroir à
clé dissimulé et revenir avec une lettre qu’elle lui tendit.
— J’ai besoin de vos conseils d’avocat.
Henry parcourut la lettre. Elle venait de l’étude d’un notaire
montréalais.
Marie-Ange attendit qu’il en ait terminé la lecture pour reprendre la
parole :
— Si je comprends ben, cette maison que j’habite depuis treize ans a jamais été
vraiment à moé…
— Je n’en reviens tout simplement pas, Marie-Ange, je… je ne sais pas quoi
dire…
— Léonie m’en avait fait cadeau, qu’a disait, avant de rentrer au
couvent.
— Jamais je n’ai vu un cas pareil…, dit Henry pensivement. Il relut la
lettre.
— Ma pension, je suis pas chez nous, qu’est-ce que je vas faire, Henry ?
— Ce John Morgan, vous le connaissiez ?
Marie-Ange fit signe que non.
— Ça dit qu’il est mort à quel âge déjà ? demanda Marie-Ange.
Henry reprit à haute voix le début de la lettre.
— Suite au décès de monsieur John Morgan, le 14 août 1951, à l’âge de
quatre-vingt-un ans et domiciliant…
Marie-Ange l’interrompit.
— Quatre-vingt-un ans… Non, je vois vraiment pas…
— Cet homme était en relation avec Léonie. Elle n’avait jamais mentionné son
nom ?
— Pas que je m’en souvienne… Attendez, mais je suis pascertaine… je me rappelle juste que quand j’étais petite, ben petite, maman
était encore vivante, elle attendait Julianna, oui, avant qu’elle meure en
accouchant, matante Léonie était arrivée chez nous, à la ferme, pour aider maman
en vue de ses relevailles. J’m’en rappelle, Léonie nous avait apporté des beaux
cadeaux de Noël. J’étais la plus vieille chez nous, je devais avoir seize ans,
mon doux c’est loin, mais j’me souviens que maman pis matante Léonie avaient
jasé longtemps ensemble… Maman disait toujours combien elle aimait sa petite
sœur Léonie… En tout cas, j’écorniflais leur conversation pis elles ont parlé
d’un anglais, d’un John.
En écoutant Marie-Ange, Henry réfléchissait, faisant ses propres déductions.
Soudain, il fit le lien.
— Quand Léonie a disparu, personne ne savait que c’était au couvent qu’elle
était entrée, se mit à expliquer Henry. Julianna m’avait téléphoné, me demandant
d’essayer de retrouver sa mère adoptive. Je suis venu ici tout de suite,
évidemment. Et je suis revenu tous les jours… J’ai remarqué un homme qui rôdait.
Il était bien habillé, très gentleman. Il m’avait accosté. Il voulait savoir si
j’avais vu la personne habitant cette maison. Je lui avais demandé pourquoi, et
il m’avait répondu : « Nevermind, just business… »
Marie-Ange sauta sur ses pieds.
— Un anglais, ben habillé, pis vieux, c’est lui, c’est lui !
— Qui ça ?
— Un étranger qui venait prendre sa marche presque tous les jours sur notre
rue. En passant devant la maison, il se cassait le cou pour nous regarder. Je le
trouvais écornifleux, mais pas plus. Une fois je l’ai croisé en sortant d’ici,
je l’ai salué pis il m’a répondu en anglais, « Good morning » qu’il m’a
dit.
— Eh bien ! vous avez peut-être raison.
— Certain que je suis dans le vrai. Astheure que j’y pense, ça fait pas loin du
début août que je l’ai pas vu ! C’était lui, je suis sûre. Lisez la suite,
Henry, quand il parle d’où ce qu’il habitait.
— Monsieur John Morgan… domiciliant au 24, rue LeMoyne à
Montréal…
— C’est la rue en arrière de chez nous !
— … je vous fais parvenir, tel que stipulé dans les dernières volontés de
monsieur Morgan, l’avis
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