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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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seulement la contempler. Cela suffisait, pour
     le moment. Odile était comme la poupée de porcelaine que Laura avait déjà reçue
     comme cadeau de Noël. Sa petite sœur n’avait jamais joué avec elle. Elle ne la
     prenait pas dans ses bras, ne la déshabillait pas. Elle se contentait de la
     déposer sur son support de présentation et de l’admirer. C’était sa vieille
     poupée de chiffon cousue par sa mère qui avait sa préférence. Pierre monta dans
     son automobile et s’installa derrière le volant. Il sortit un peigne de sa poche
     et se coiffa à l’aide de son rétroviseur. Lentement, il passa un doigt sur sa
     cicatrice. La moustache qu’il s’était fait pousser la cachait en partie. Il
     n’était plus un jeunot, mais il était un homme patient. Avec un petit rire, il
     mit le moteur en marche. Oui, il pouvait attendre une éventuelle nuit de noces
     pour déshabiller sa poupée de porcelaine…

    — Dès qu’Isabelle et Hélène vont revenir du parc, on va se mettre à
     table.
    — Vous êtes un amour, Marie-Ange, dit Henry en s’allumant une nouvelle
     cigarette.
    — Faites attention, je pourrais vous croire. Après ça, vous
     vous demanderez pourquoi j’insiste pour vous garder à souper.
    — Vous me gâtez tellement. À cause de vous, je suis rendu avec une grosse
     bedaine.
    — Vous êtes revenu de la guerre maigre comme un clou, il fallait ben vous
     remplumer.
    — Depuis six ans, il me semble que je suis assez rembourré. Bientôt, je ne
     serai plus capable d’embarquer dans mon automobile.
    — Un homme bien portant, c’est signe de richesse. Comme mon beau
     Duplessis.
    — Nous n’avions pas promis une trêve, nous deux ?
    — C’était l’idée d’Isabelle, pas la mienne, ronchonna Marie-Ange avant de
     changer de sujet : « Mathieu avait encore une bonne raison pour pas venir
     souper, je suppose ? Je vas lui tirer les oreilles, à ce garçon. Un repas du
     dimanche, ça se passe en famille. »
    — Mathieu est un jeune homme. Il est normal qu’il fasse sa vie. Qui sait, il y
     a peut-être une jeune fille derrière ses absences. Il m’a l’air bien heureux ces
     temps-ci. C’est un bon petit gars, il ne faut pas vous inquiéter.
    — Oh ! je m’en fais pas mal plus pour Yvette. Je commence à trouver qu’elle
     traîne souvent dans ce théâtre. Elle aussi, elle manque de plus en plus souvent
     nos soupers.
    — Elle essaie de percer. Ce n’est pas facile. Elle n’a pas gagné le concours au
     début de l’été et n’a obtenu aucun rôle encore.
    — C’est pas une raison pour courir la galipote ! Vous savez, Henry, que je suis
     pas une grenouille de bénitier. Je suis une femme de son temps, mais tout le
     monde sait que ces gens du théâtre, ce sont... comment je dirais, ben, on leur
     donnerait peut-être pas le petit Jésus en confession. Je voudrais pas que ma
     Yvette tourne mal. Une réputation, ça se défait ben vite. Elle rentre si
     tard…
    — Marie-Ange, vous vous en faites pour rien.
    — Je trouve que ce Paul-André Durand gère pas grand-chose à part de mettre des
     idées de grandeur dans la tête d’Yvette. Elle commence à parler de laisser son
     emploi à la manufacture. Ces histoires de télévision, c’est de la folie !
    — J’ai discuté longtemps avec le gérant d’Yvette lors de votre souper. Le
     contrat était impeccable. Tout était correct. Il a raison quant à l’avenir de la
     future télévision. Je crois que les radios vont disparaître. Pourquoi se
     contenter de la voix des gens quand on peut les avoir en image ! On pourra même
     regarder jouer les Canadiens . Plus besoin de sortir. Ils vont jouer au
     hockey dans nos maisons.
    — Ça l’a ni queue ni tête. Je peux pas croire ça. Je pense qu’Yvette se fait
     enfirouaper.
    — Il va falloir que vous lui fassiez confiance. Elle a une tête sur les
     épaules.
    — Ouais, mais un homme en a pas grand-chose à faire, d’une tête, il préfère le
     reste.
    — Marie-Ange !
    — Je serais plus rassurée si on en savait un peu plus sur ce monsieur Durand.
     Il a des visées sur notre Yvette qui dépassent celle d’en faire une chanteuse,
     j’en mettrais ma main au feu.

    — Non, arrête Paul-André, il faut que je rentre. Matante m’attend pour
     souper.
    Avec un sourire en coin, l’homme continua d’embrasser la jeune femme.
    — Tu as bien un petit cinq minutes pour moi, belle Sandrine…
    — Je déteste ce

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