Les porteuses d'espoir
des records de température. Henry était encore à Québec
pour voir à ses affaires et François-Xavier travaillait à la fromagerie. Elle ne
s’ennuyait pas de son mari et cela l’attristait. Avant, elle se serait morfondue
en comptant les jours qui la séparaient de lui. Maintenant, le visage de l’homme
qui venait la tourmenter lorsqu’elle se couchait, seule dans le lit du chalet,
était celui d’Yves Boivin, son patron. Elle avait si honte de ces pensées. Yves
la troublait. Avec lui, elle se sentait belle, intelligente, unique... Plus le
temps passait, plus cela devenait difficile de résister au charme de son patron.
Parfois, elle se demandait ce qu’un baiser, un seul baiser, aurait comme
conséquence. Que lui arrivait-il ? Il fallait qu’elle trouve un moyen de ne plus
penser au propriétaire du journal. Elle tourna son attention vers Isabelle.
Assise à ses côtés, elle tricotait un charmant petit cache-cœur pour son futur
bébé. Isabelle rayonnait. Julianna se trouva vieille et grosse. Elle pencha sa
tête sur son corps. Vêtue d’un maillot de bain, son ventre flasque et ses
bourrelets étaient apparents. La jupette du maillot dévoilait ses cuisses où des
varices et des vergetures avaient gravé le passage du temps. Elle soupira. Où
étaient passées ces années ? Il faudrait qu’elle se prive un peu pour perdre du
poids.
— Ce modèle de tricot est très joli, dit Julianna à Isabelle.
Isabelle se contenta de sourire doucement. Elle demanda :
— Alors, avez-vous des nouvelles d’Yvette ?
— Tout le monde me demande ça.
Julianna regretta tout de suite son ton revêche. Elle réalisait qu’elle
appréciait Isabelle. Avoir une amie de nouveau, pourquoi pas ?
— Je crois que sa carrière prend tout son temps, dit
Julianna.
— Vous devez être fière d’elle.
— Très, dit Julianna. J’ai fait encadrer la photographie qui annonce son numéro
de chant. Yvette est magnifique dans sa robe.
— Elle a travaillé si fort quand elle était à la pension. Vraiment, de semaine
en semaine, on la voyait s’améliorer.
Julianna ne pouvait cacher sa fierté. Sa fille, sa fille menait une carrière à
Paris, rien de moins ! En même temps, elle s’imaginait, elle, vivre cette belle
aventure, si elle était plus jeune, si…
— Un jour, j’irai la voir…, rêva tout haut Julianna.
— J’espère que mon bébé sera une fille, dit Isabelle.
— Ah oui ? Pourtant, tout le monde rêve d’avoir un garçon comme premier
enfant.
— On dit que des filles, c’est plus facile à élever.
— Ce n’est pas vrai. Yvette m’a fait tourner en bourrique avec son caractère.
Elle ne fonçait jamais assez vite ni assez loin à son goût dans la vie. Laura
était différente, mais pas plus facile. Elle a toujours su qu’elle deviendrait
religieuse.
— Plus tard, je donnerai un fils à Henry.
— C’est la nature qui décide.
Julianna se leva.
— Je vais aller me tremper un peu les orteils.
— J’irais si j’étais moins frileuse.
— Pourtant, à la chaleur qu’il fait…
— C’est à cause de ma condition.
Julianna descendit jusqu’à la grève. Elle avait chaud, s’ennuyait tout à coup
de ses filles, de Pierre… Elle alla rejoindre Adélard, Zoel et Hélène.
— Attention, une baleine s’en vient vous arroser !
— Une baleine, Pierre, regarde, une baleine !
— Ben oui, ça fait dix fois que tu me jures que t’en vois une. C’est encore
juste une crête de vague.
— Non, là je suis certaine, regarde !
Cette fois, Pierre vit le dos bombé noir, avec une petite nageoire, qui sortait
et rentrait dans l’eau de la mer. Il manœuvra La Joséphine afin de la
mener en direction du cétacé. Les yeux de son épouse brillaient
d’émerveillement.
— Une autre, s’écria-t-elle, il y en a d’autres avec elle.
Effectivement, Pierre compta au moins quatre dos sortant à intervalles
réguliers à la surface de l’eau. Quel bonheur de sentir le vent de la mer sur
son visage, le soleil qui réchauffe, l’odeur de liberté, une sensation de
pouvoir ! Cela lui avait pris quelques jours avant de savoir naviguer. Mais La Joséphine était malléable. Large, elle offrait une bonne
flottaison. Elle n’était pas le plus rapide des bateaux de pêche, mais cela
était parfait. Pour un novice, elle était l’embarcation rêvée. Même Mélanie, qui
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