Les porteuses d'espoir
pis de rien
voir. Tant que c’est caché…
— Ces femmes attendent tellement de moi ! Un courrier du cœur, Marie-Ange,
c’est comme jeter un galet dans la rivière.
Marie-Ange resta silencieuse. Elle ne reconnaissait plus sa sœur si frivole,
insouciante et égoïste. Marie-Ange eut envie de parler de son propre mariage
désastreux, sa propre expérience, mais elle se retint. Elle avait trop honte
d’avoir été cette femme.
— À Montréal, il y a une maison qui accueille des femmes mal prises,
dit-elle.
— C’est injuste, Marie-Ange. Maudite marde ! On arrête un homme qui maltraite
son cheval !
Julianna s’enflammait. Un pesant silence suivit. Julianna soupira et dit d’une
voix radoucie :
— J’ai aussi des lettres de femmes mariées… qui sont amoureuses d’un autre
homme, de leur patron ou d’une ancienne flamme.
— Pis eux autres, c’est quoi ta réponse ?
— Je n’en ai pas encore trouvé…
— Ben moi, je répondrais que l’herbe semble toujours plus verte du bord du
voisin. Mais il faut se contenter de ce qu’on a.
— T’as ben raison, Marie-Ange, comme d’habitude.
— Julianna… Tes femmes battues, c’est ça que j’ai été.
— Quoi ?
— Mon mari, il vargeait sur moi pis les enfants, à tour de bras. Tu vois, je
pense que dans le fond, si je suis jamais allée aux États avant, c’est pas pour
rien… C’est parce que j’avais pas le courage d’affronter mes enfants, comme
j’avais pas eu le courage de les sauver de leur père. Je l’ai laissé faire...
J’aurais dû, Julianna, tous les prendre dans mes bras pis partir… les mettre à
l’abri… mais je savais pas où aller. Le seul endroit possible où j’ai cru qu’on
allait m’aider, c’était l’Église, pis on m’a retournée faire mon devoirauprès de mon mari, pis j’ai dû faire pénitence pour avoir
pensé le quitter. Pis en plus, je me suis ramassée que ça devait être de ma
faute, que je devais le provoquer ou ben que j’avais pas su tenir mes enfants
tranquilles.
— Marie-Ange, c’est épouvantable !
— Ça fait que j’ai décidé qu’il était temps que je parte aux États demander
pardon à mes enfants.
— Tu vas les voir ?
— J’ai fermé la pension.
— Quoi ?
— La maison appartient aux Carmélites.
— Que c’est-tu dis là, toi ?
— C’est un peu compliqué. Toujours ben que c’est le bon moment pour moi de
partir. Tout est préparé. Ça fait que Georges va devoir se faire à l’idée qu’il
a une fille à s’occuper.
La photo de Jean-Marie toujours à la main, Georges prit son verre et se mit à
lentement verser le contenu sur l’image. Il était maudit, maudit… Il voulait
tous les oublier, qu’ils disparaissent à jamais de sa vie, de sa mémoire, comme
s’ils n’avaient jamais existé, comme si Hélène n’était jamais née… Sur son
doigt, il alla recueillir la dernière goutte du verre. Longtemps, il examina la
trace mouillée. Il huma l’effluve. Sa main trembla. Il remplit de nouveau le
verre. On frappa à la porte.
— Pis si Georges veut pas ?
— J’ai rendu Hélène à seize ans, dit Marie-Ange, j’ai fait ma part.
— Je vais la garder chez moi, décida Julianna.
— J’osais pas te le demander. J’avais espéré que ça se passe
autrement entre Georges et elle.
— Il faut se faire à l’idée que Georges est pas prêt. Je n’ai plus de filles à
la maison ; ça va être plaisant qu’Hélène vive avec nous.
— Comment se débrouille Yvette dans les vieux pays ? Elle m’écrit bien
rarement, ta grande.
— Elle ne me donne pas ben ben plus de nouvelles qu’à toi, je pense. Elle est
trop occupée à mener la grande vie, faut croire.
— Tu ne m’en veux pas qu’elle soit partie pour Paris ?
— Je connais ma Yvette. Si elle avait décidé que Paris l’attendait, y a pas un
chat qui aurait pu y faire quoi que ce soit.
— Hélène est une gentille enfant. Un peu impolie des fois, mais...
— Les jeunes sont tous rendus de même. C’est leur génération.
— Elle est serviable, tu vas voir.
— A va pouvoir m’aider. J’ai tellement de travail. Je ne sais plus où donner de
la tête des fois. Surtout que l’école finie, c’est pas des vacances pour des
parents.
— Tu vas avoir la paix cet été s’ils passent le plus clair de leur temps au
chalet d’Henry. Tu vas
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