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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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retourné chez lui. Sans
     hésitation, il avait porté une chaise de la cuisine jusque dans sa chambre. À
     l’intérieur de son placard, il s’en était servi pour atteindre la tablette
     supérieure du rangement. Il avait trouvé ce qu’il cherchait. Enroulée dans une
     serviette, une bouteille d’alcool attendait patiemment sa rechute depuis quinze
     longues années. Cela avait été si douloureux de voir Hélène. Elle avait les
     traits de Rolande et la jambe folle de Jean-Marie. Il ne pourrait regarder sa
     fille sans penser au couple, enlacé, amoureux… qu’il avait surpris, un jour...
     Trahi, il avait été trahi.
    Il prit la photo de Jean-Marie et la retira du cadre.

    Peu après le souper, Henry et sa femme gagnèrent leur hôtel. Le
     voyage les avait épuisés.
    Les deux jeunes couples étaient repartis pour Normandin. Adélard et Zoel
     avaient eu la permission d’emmener leur cousine Hélène déguster une crème
     glacée. Jean-Baptiste était parti courtiser sa belle voisine.
    Marie-Ange et Julianna s’étaient installées sur la galerie. François-Xavier
     préférait somnoler un peu dans la chaise berçante de la cuisine en faisant
     semblant de lire le journal.
    Les deux sœurs retrouvèrent leur complicité. Elles en avaient tant à se dire.
     Elles revinrent sur l’attitude de leur frère Georges.
    — Il faut lui laisser un peu de temps… Pauvre lui… il ne l’a pas facile.
    — Comment il se débrouille à Jonquière ? demanda Marie-Ange.
    — Une chance que le curé de sa paroisse veille sur lui. Sa ménagère lui prépare
     des repas de temps en temps. Je crois que Georges se rend souvent au
     presbytère.
    — Comme si une soutane pouvait y comprendre quelque chose !
    — Marie-Ange ! Tu ne t’es toujours pas raccommodée avec l’Église, toi.
    — Je trouve juste qu’il y a beaucoup de ces hommes qui mettent pas en pratique
     ce qu’ils prêchent…
    — Peut-être… Il n’est pas rare que je reçoive des lettres de mon courrier du
     cœur qui parlent de cols blancs déposés sur une table de chevet, à côté d’un lit
     de femme.
    — Tu dois en lire des vertes et des pas mûres...
    — Tu ne peux pas imaginer à quel point, Marie-Ange. Je n’en parle même pas à
     François-Xavier. Ces lettres sont trop… épouvantables. Yves Boivin, mon
     directeur, refuse de les publier.
    — Ah, oui !
    — Yves dit que le journal pourrait y perdre son droit de
     publication. Des fois, Marie-Ange, je pleure toute la nuit en repensant à ce que
     j’ai lu. Il y en a qui vivent des malheurs…
    — La misère aime sauter sur le dos du pauvre monde.
    — Peux-tu croire qu’une fille de quatorze ans m’a écrit pour… m’avouer qu’elle
     attendait un enfant de… son père ?
    Comme Marguerite, la première épouse de Georges, sa seule grande amie… Julianna
     avait cru que cette horreur était un cas isolé. Elle se demandait maintenant
     combien de familles cachaient des squelettes dans leur placard. Elle recevait
     tant, mais tant d’aveux d’inceste, d’agression, de violence. C’était déchirant…
     La plupart se plaignaient du silence… Julianna les comprenait.
    — Une autre, son oncle couchait avec elle depuis des années. La première fois,
     elle avait dix ans. Il lui avait fait ses cochonneries sur la pile de manteaux
     de la visite dans le lit de la chambre de ses parents. Des maris qui trompent
     leurs femmes, qui boivent, qui dépensent l’argent, ou des maris qui les battent,
     ça aussi j’en lis trop souvent.
    — Qu’est-ce que tu réponds à… ces femmes battues ? Que c’est de leur
     faute ?
    — Rien, je ne les publie pas…
    — Il te reste pas grand-chose pour le journal.
    — Marie-Ange, je n’ai jeté aucune de ces lettres, aucune. J’aimerais ça en
     faire plus pour elles. Je ne peux pas m’empêcher d’imaginer que c’est peut-être
     une de mes voisines. Elle est là, enfermée dans sa chambre, en train de pleurer,
     le visage bleui par les coups de son mari. Elle n’a pas de place où aller,
     personne à qui parler, personne pour l’aider. Des fois, je rencontre une jeune
     fille sur la rue, puis elle a le visage si triste… j’me demande si c’est elle
     qui m’a écrit l’autre fois pour me demander si elle devait avouer à sa mère que
     son père venait dans sa chambre la nuit… Ma vie est pourrie depuis que je fais
     ce travail…
    — C’est plus facile de faire comme tout le monde,

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