Les porteuses d'espoir
doit y avoir ben de la poussière, pis peut-être ben
des rats aussi, ma pauvre p’tite dame.
Pierre resta comme une statue tandis que le camion reculait jusqu’au chemin, le
laissant planté là, un trousseau de clés à la main. Ce fut Mélanie qui le
secoua.
— On entre ?
Pierre marcha jusqu’à la porte, lut à son tour la pancarte de bois, choisit la
plus grosse des clés et l’introduisit dans la serrure. La porte s’ouvrit.
C’était une maison de pêcheur toute simple. Il y avait un étage et demi, des
chambres sous les combles, un bas-côté. Elle était en bardeaux de cèdre à
l’extérieur et faisait face à la mer de l’autre côté de la route. Mélanie en fit
le tour rapidement. La maison était encore toute meublée. Là aussi, il n’y avait
rien de bien dispendieux. Des meubles de bois solides.
Mélanie se mit à l’ouvrage. Elle nettoya tout de fond en comble. C’était
vraiment loin d’être un château, mais le jeune couple, excité par la surprise,
le voyait comme tel. De la maison, la vue était exceptionnelle. Pierre alla voir
de plus près le bateau tandis que Mélanie prenait un instant de repos pour
traverser la rue et explorer les alentours. Quand elle découvrit la magnifique
plage de sable, le cœur lui manqua. Elle se mit à arpenter la grève. Elle se
baissa et ramassa un joli caillou qui brillait plus que les autres. Elle le
tendit vers le soleil couchant. Une transparence faisait miroiter la pierre,
laissant deviner des stries de couleurs différentes. Une femme vint à sa
rencontre.
— C’est une agate. Une semi-précieuse.
— C’est la première fois que j’en vois une.
— Ah ! une touriste.
— Mon mari a hérité de la maison en face.
— Celle de Patrick O’Connor ?
La femme resta pensive un moment.
— Vous le connaissiez ? demanda Mélanie.
— Oui... Je suis impolie, je ne me suis pas présentée. Je suis miss Harrington.
Je suis d’origine américaine, mais je me considère comme une pure Gaspésienne.
Je me suis installée ici après la Première Guerre mondiale. Pour vous dire que
je ne suis pas toute jeune. Je suis tombée en amour… avec ce pays. J’habite la
maison voisine de La Joséphine . Vous comptez vous installer ici ?
— Jamais ! se récria Mélanie. C’est ben trop loin de tout.
— On est près du ciel, c’est l’essentiel, non ?
— On reste juste une semaine. On est en voyage de noces.
— Oh ! des amoureux...
— Ben ça m’a fait plaisir de vous connaître, miss Harrington.
— Il faut que vous veniez goûter chez moi. Je vous attends demain à onze
heures.
La femme disparut sans plus se retourner.
Mélanie la regarda longer le bord de l’eau et remonter la dune vers le chemin.
Elle n’avait jamais vu une femme aux allures si extravagantes. Surtout une femme
d’un âge avancé comme elle. L’Américaine ne portait aucun maquillage et
pourtant, tout son visage offrait l’allure d’une reine de beauté. Des pommettes
saillantes, des yeux perçants, une bouche si grande et aux dents si blanches que
Mélanie avait senti la beauté de sa jeunesse pâlotte à côté de celle de la
femme. Elle portait un large pantalon blanc. Une ceinture de soie rouge cintrait
sa fine taille et retenait une longue chemise masculine rayée. Ce qui la
fascinait le plus, c’était la chevelure de la femme. Les cheveux de l’Américaine
étaienttotalement blancs, d’un blanc argenté incroyable. Elle
les portait lissés et noués en une queue de cheval très haut sur la tête. Cette
queue retombait jusqu’au creux de ses reins. Mélanie reporta son attention sur
sa pierre… une semi-précieuse, elle avait trouvé une pierre semi-précieuse, une
agate, une vraie ! Elle courut montrer sa découverte à son mari.
Pierre et Mélanie avaient passé le reste de la semaine à prendre connaissance
de leur domaine. Ils avaient été rendre visite à miss Harrington. Pierre n’en
avait pas cru ses yeux. La femme était une artiste merveilleuse. Originale, elle
créait des sculptures, des toiles aux couleurs vives qui explosaient. Son
atelier, ses œuvres, tout criait la démesure… Nombre d’entre ces tableaux
brillaient de roches semi-précieuses. Pierre sut tout de suite qu’elle était
l’auteure de la peinture aux agates signée Beth H. L’Américaine avait acquiescé.
Elle se souvenait très bien de ce tableau. Elle
Weitere Kostenlose Bücher