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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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n’avait jamais navigué, n’avait pas été longue à se sentir en sécurité. C’est
     certain que Pierre avait quand même une bonne expérience de matelot. Mais
     c’était si différent de mener sa propre barque. Pierre était prudent. Il ne
     s’éloignait jamais bien loin et restait à une distance raisonnable de la rive.
     Mélanie continuait de fixer l’horizon et de s’écrier chaque fois qu’un dos noir
     apparaissait :
    — Encore une ! Là ! Une baleine ! Regarde !
    Elle était adorable avec son air d’enfant devant un numéro de marionnettes.
     Quel magnifique voyage de noces ! Dommage qu’il tire à sa fin. Ils avaient
     quitté Chicoutimi à l’aurore et avaient emprunté la route Talbot. Même cette
     traversée avait eu du charme. Les deux jeunes gens avaient l’impression de
     partir à la conquête du monde, à l’aventure. Ils étaient seuls dans l’automobile
     et pouvaient jouer à des jeux d’amoureux. Mélanie avait eu l’audace de lui
     offrir de profiter d’une halte pour se cacher dans la forêt et sebécoter à leur goût. Mais les moustiques avaient tenu à être de la fête. En
     riant, le couple avait abandonné cette douloureuse tentative et s’était
     rapidement réfugié dans la voiture, réajustant leurs vêtements. À Québec, ils
     auraient bien aimé aller dormir au château Frontenac, mais il leur fallait être
     raisonnables. Mélanie dit en riant que de toute façon, elle aurait eu trop peur
     de croiser Duplessis dans les corridors, la nuit. Ils avaient opté pour un hôtel
     bon marché dans la basse-ville, mais qui était propret et charmant. Après avoir
     fait l’amour, ils avaient déambulé toute la soirée dans les rues de la vieille
     ville. Pierre aimait escorter sa jeune épouse, fier de sa beauté, de l’avoir à
     son bras, de se dire qu’elle lui appartenait, que lui seul pouvait la voir nue,
     toucher son corps. Il se sentait le roi du monde. Ils visitèrent les remparts,
     la citadelle, le parlement.
    — Dire qu’un jour, Henry va probablement y siéger. Peut-être même que c’est lui
     notre prochain premier ministre.
    Mélanie n’avait jamais été au-delà du Saguenay—Lac-Saint-Jean. Chaque
     découverte l’emplissait d’un sentiment exaltant. Du bout des doigts, elle toucha
     la pierre d’une façade de maison. Elle imaginait les gens ayant vécu à cet
     endroit. En riant, elle chassait ces idioties. Mélanie ne se laissait jamais
     aller longtemps à la rêverie. C’était une femme à l’esprit pratique et économe
     comme sa mère. Elle faisait des merveilles avec des riens. Elle avait emmené
     dans une petite malle non pas des vêtements, mais des pots de vitre dans
     lesquels elle avait canné des repas déjà prêts. Du ragoût, des fèves au lard, du
     poulet en sauce. Ainsi, quand ils avaient quitté Québec pour longer le fleuve,
     il ne restait plus à Pierre qu’à allumer le réchaud qu’ils s’étaient procuré
     dans un dépôt de surplus d’armée. Ils achetaient une miche de pain et
     s’arrêtaient pour manger après avoir choisi un endroit avec une belle vue. La
     nuit, ils louaient une cabine dans un de ces motels qu’on retrouvait tout le
     long de la route. C’étaient des petites cabanes aux murs de
     carton. Mélanie n’avait guère dormi la première fois. Elle avait été très gênée
     d’entendre le couple voisin s’ébattre de façon plutôt bruyante. Elle avait
     d’ailleurs refusé que son mari la touche. Couchée sur le dos, les yeux grands
     ouverts, les joues rouges de honte, elle n’osait bouger. Pierre, au contraire,
     se sentait émoustillé par les râlements de l’homme et les plaintes de la
     femme.
    — Oui, oui, encore, fais-moi mal, gémissait celle-ci.
    Et l’on entendit distinctement des claques. Étonné, Pierre se demanda quelle
     partie de l’anatomie féminine l’homme avait choisi de frapper. Cela semblait
     plaire à la femme qui appréciait à grands cris d’approbation.
    — On essaie-tu ? avait-il murmuré.
    — Si tu me touches, Pierre Rousseau, je crie.
    — C’est le but, non ?
    Mélanie n’entendait vraiment pas à rire.
    — On s’en va, décréta-t-elle.
    — Ben voyons, Mélanie, on peut toujours ben pas rouler à la noirceur. Avec les
     routes de ce coin de pays, on va se ramasser à la flotte dans le temps de le
     dire.
    — On va dormir dans le char.
    — Quoi ? Mélanie, ça a pas de bon sens, ils vont arrêter un

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