Les porteuses d'espoir
toutes les couleurs. Elle était la seule
fille de la maison maintenant que Laura pensionnait chez l’oncle Georges. La
méchante maîtresse d’école de son enfance avait repris son poste à l’école du
village au grand désespoir de la famille Rousseau. Heureusement, la raclée que
Pierre lui avait servie avait porté ses fruits. Elle n’avait plus jamais levé la
main sur un enfant. Mais cela ne la transforma pas pour autant en ange
attentionné et aimant. Elle devint juste plus sournoise. L’institutrice avait
poussé la malhonnêteté à recaler Laura chaque fin d’année. Aussi, l’année
dernière, en 1942, Laura était supposée se retrouver au rang des élèves de
cinquième. Au lieu de cela, l’institutrice l’avait jugée de niveau insuffisant.
La maîtresse avait déclaré que « la plus cruche » de ses élèves devait encore
reprendre sa première année.
— J’ose espérer que cette quatrième fois sera la bonne, mademoiselle Rousseau,
avait dit la maîtresse.
Pourquoi jetait-elle son dévolu sur Laura et laissait-elle les
autres membres de la famille Rousseau relativement tranquilles ? Il n’était
jamais facile de discerner la logique de la méchanceté. Laura était
désespérée.
— Je travaille fort, maman ! Je sais toutes mes tables de multiplication !
J’suis plus un bébé, je retourne plus à l’école !
Laura avait réussi à corriger son défaut de langage. Elle ne zézayait plus. Il
ne lui restait plus qu’un léger chuintement. Yvette l’avait consolée.
— Pleure pas ma Lolo. L’école, c’est fini pour moé itou. On va rester les deux
à la maison pour aider maman.
— Y en n’est pas question ! s’était exclamé leur mère.
— Je perds mon temps en classe ! avait répliqué Yvette.
Pierre avait offert de « retourner parler dans le blanc des yeux » à son
ancienne maîtresse.
— Ce serait le restant ! s’était fâchée sa mère. T’as pas eu ta leçon, toi ?
Mais dis quelque chose, François-Xavier ! avait-elle ajouté en prenant à parti
ce dernier, qui continuait de lire son journal, semblant ne rien entendre de la
conversation.
Son père ne voulait pas se mêler des histoires d’école. Furieuse, sa mère bouda
quelques jours. Yvette pouvait arrêter l’école, personne ne pouvait enlever une
idée de la tête de l’aînée des filles mais pour la seconde, il n’en était pas
question. Un matin, avec un air triomphant, sa mère entra dans la cuisine. Elle
avait trouvé une solution.
— Laura, viens que je te coiffe. Après, tu vas mettre ta belle robe du
dimanche. On s’en va à Jonquière. Tu vas aller à l’école du couvent. Ça coûtera
ce que ça coûtera. Ma fille est pas une cruche. Je vais lui en faire, moi, une
première année, non, mais ça se peut-tu être folle de même. Tu es dix fois,
vingt fois, mille fois plus intelligente qu’elle ! Quand tu vas revenir, on va
aller mettre ton diplôme sous le nez de cette pas de génie de…
Sa mère s’était interrompue, réalisant tout à coup que ses
garçons étaient en train de déjeuner et la regardaient d’un air ébahi. Gardant
ses épithètes pour elle-même, elle reprit :
— Les religieuses vont t’accepter, j’en suis certaine. T’auras juste à réciter
ta table de douze. Tu seras pensionnaire chez ton oncle Georges. Mon frère peut
pas me refuser ce service.
Julianna obtint l’admission de sa fille. Moyennant une pension, Laura serait
hébergée chez son oncle Georges. Elle fit ses valises. Ainsi, quelques jours
après que Pierre fut monté se cacher dans ce chantier, sa petite sœur disait, à
son tour, au revoir à sa famille. Cela lui prit à peine trois mois d’études pour
passer de la première à la sixième, et avec les meilleures notes en plus ! Sa
mère avait tenu parole. Celle-ci lui avait écrit que dimanche dernier, elle
s’était présentée à l’église, tenant fièrement dans ses bras le certificat de
mérite de Laura. Comme il était richement encadré, tout le monde avait tenu à
savoir ce qu’il représentait. Sa mère souligna haut et fort le succès de sa
fille, devant une institutrice morte de honte. Comme Pierre aurait aimé serrer
Laura dans ses bras, la féliciter, être témoin de la déconfiture de la
maîtresse !
Pierre repoussa encore le moment du départ de sa cachette. Il dégusta un
deuxième sucre à la
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