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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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Roger.
    La seule autre ombre au tableau avait été la présence de Gros Jambon. Une
     chance qu’il y avait beaucoup d’ouvrage sur la ferme de monsieur Gauthier parce
     que sinon, Roger jurait qu’ils allaient s’entretuer tellement le gros bûcheron
     était détestable. Depuis la bataille avec l’Amérindien, Gros Jambon clamait
     qu’il aurait sa revanche, que le Picoté et le Curé n’avaient qu’à bien se
     tenir : un jour, il les aurait dans un coin. Roger jurait qu’il était impossible
     de détester autant quelqu’un ! Pierre faisait son possible pour calmer les
     sentiments haineux de son ami et surtout, pour ne pas les partager.
    — En tout cas, je suis pas mal fier de Chapeau. Je pense qu’il a compris, lui,
     que ce n’est pas correct de haïr son prochain.
    — Des fois, Pierre, tu me décourages avec tes grands airs ! Voir si Chapeau a
     compris quelque chose dans tes grands sermons !
    — Il m’a promis de faire des excuses.
    — Des excuses ! Tu charries ! Y en mérite pas, ce maudit gros tas de
     marde.
    — Chapeau avait pas le droit d’attaquer Gros Jambon avec un couteau.
    — Tu serais mieux de te laisser aller pis de regarder les filles, bougonna
     Roger, qui parfois en avait assez du sérieux de Pierre.
    — Tu verras quand Chapeau va s’excuser. Dans chaque personne, il y a du
     bon.
    — Gros Jambon le cache ben en maudit.
    — Roger…
    — Ah non ! il manquait plus rien qu’on rencontre ce gros lard.
     Moé, j’avais juste envie de prendre un peu de bon temps aujourd’hui.
    L’antipathique bûcheron arrivait, face à eux, sur le trottoir. Il était
     accompagné de deux jeunes filles.
    — Si c’est pas mon petit couple préféré.
    Les filles gloussèrent. Fier de sa blague, Gros Jambon releva la tête et
     continua à fanfaronner.
    — Envoyez, le Curé pis le Picoté. Faites de l’air. Je veux passer.
    — Le trottoir est à tout le monde ! se défendit Roger.
    — Pas au Sauvage certain, répliqua Gros Jambon en jetant un regard mauvais à
     l’Amérindien. Envoyez, changez de bord.
    La tension était palpable. Pierre, qui avait prêché pendant des heures
     l’importance du pardon auprès de l’Indien, se dit que c’était l’occasion ou
     jamais de voir si ses paroles avaient porté fruit. Avait-il surestimé la
     capacité de comprendre du jeune muet ?
    — Chapeau voulait justement te dire quelque chose, Gros Jambon.
    — Ah ouais ?
    — Viens Chapeau, viens faire tes excuses pour l’autre jour.
    Le jeune Montagnais ne broncha pas. Maussade, Roger surveillait la scène. Son
     ami était vraiment naïf.
    — Viens Pierre, lui dit-il. Partons...
    — Non, j’ai montré à Chapeau à s’excuser, il va le faire !
    — Ton Sauvage a d’autre chose dans la tête, tu le vois ben, partons !
    Effectivement, l’Amérindien semblait bien plus prêt à sauter à la gorge de son
     ennemi qu’à faire acte de contrition.
    — Ah ben ! c’est la meilleure ! s’esclaffa Gros Jambon. Le Sauvage va me dire
     des excuses ! Avec sa langue coupée, j’ai hâte de voir ça !
    — Il va te les faire par gestes, expliqua Pierre. Chapeau veut tefaire des excuses pour l’autre jour… Mais comment ça se fait
     que tu sais pour sa langue ? demanda Pierre en saisissant tout à coup la
     remarque de Gros Jambon.
    Il interrogea Roger du regard.
    — C’est pas moé qui lui ai dit ! se défendit celui-ci.
    — C’est bizarre, reprit Pierre, personne est au courant à part nous deux…
    Gros Jambon se dandina d’un pied à l’autre. Mal à l’aise, il prit les jeunes
     filles par le bras et déclara d’un ton hautain :
    — Sacrament que ça pue icitte. En plus du Sauvage, ça sent le mangeux de
     soutane…
    Cette fois, ce fut Roger qui fut à deux doigts de se jeter sur le gros homme,
     mais Pierre le retint. Gros Jambon continua :
    — Venez les filles, on va changer de bord avant de vomir, dit-il en traversant
     la rue.
    Pierre le suivit des yeux. Secouant la tête, Roger lui dit :
    — Ouais, ben, si tu trouves le bon fond de ce gros-là, moé, je me fais curé
     aussi !

Automne 1944

    E
n cette fin de septembre, une pluie froide tombait
     depuis le matin. Se sentant grippé, Pierre décida de passer son jour de congé
     avec les Langevin. Après la messe, il revint avec sa famille d’accueil déjeuner
     à la ferme. Une huitaine d’enfants, dont l’âge s’échelonnait de un à treize ans,
     animaient la

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