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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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le pendentif entre ses doigts. Les yeux brillants, il
     s’assit par terre et écouta Pierre lui parler de l’histoire d’un Sauveur qui
     demandait de s’aimer les uns les autres.

Été 1944

    L
a vie sur la ferme de monsieur Langevin se révéla
     assez agréable. Le fermier était un homme simple et juste. Si Pierre avait eu à
     décrire cette famille, cela aurait été avec le mot « saine ». Oui, voilà, les
     Langevin étaient sains. Travaillants mais sachant s’amuser, sérieux mais
     toujours prêts à sourire, accueillants sans être compliqués. Entre eux, les
     frères et sœurs se taquinaient, mais toujours gentiment. Comme bien des gens,
     ils avaient eu leur lot de petits malheurs, mais ils gardaient une joie de vivre
     incroyable. Les Langevin lui avaient fait une place comme s’il était des leurs.
     Chapeau était également le bienvenu. L’adolescent à la peau rouge souriait et
     montrait avec fierté son nouveau bijou. Les enfants s’étaient pris d’affection
     pour lui. Tout le village vint à le connaître. Madame Langevin n’acceptait pas
     qu’il reste dans la maison, mais le tolérait dans la grange. Par contre, il
     partageait ses repas avec le reste de la famille. L’été passa à une vitesse
     folle. En même temps, Pierre eut l’impression de savourer chaque moment. Il
     travaillait fort, mais sans jamais que cela ne devienne harassant. Il s’était
     musclé au chantier. Pierre, alias Joe Dubois, voyait son ami Roger Picard tous
     les dimanches matins à la messe. Affamés, ils n’avaient qu’une hâte, celle
     d’aller s’empiffrer de crêpes au restaurant du village. C’était bête, mais avoir
     à rester à jeun pour communier à la messe était une des pratiques les plus
     difficiles pour Pierre. Chaque semaine, il avait l’impression de sedigérer de l’intérieur. Rassasiés, ils passaient ensuite le
     reste de l’après-midi à flâner sur la rue principale, la rue Saint-Cyrille.
     Chapeau apparaissait et les suivait, se tenant quelques pas derrière eux, ce qui
     faisait sourciller Roger, qui aurait préféré être tranquille. Il ne croyait
     guère que Pierre réussirait à en faire un chrétien comme son ami s’y
     acharnait.
    — Ton chien de poche est encore là. Tu pourrais pas lui dire de disparaître, il
     fait peur aux créatures.
    Roger n’avait de yeux que pour les belles filles. Pierre, qui se voyait déjà
     prêtre, jouait à l’indifférent, semblant ne pas remarquer la taille fine d’une
     brunette, le cou gracile d’une blonde, la poitrine généreuse d’une châtaine.
     Roger ne comprenait pas comment son ami pouvait ne pas être ébranlé par la vue
     de ces beautés d’été. L’aspirant curé haussait les épaules et répondait que cela
     venait sans doute avec la vocation. Il taisait toutes ces nuits où il se
     réveillait, en sueur, ressentant encore le plaisir de s’être repu de l’image
     d’une jeune femme, en sous-vêtements, posant non pas pour le catalogue qu’il
     avait si souvent feuilleté en cachette, dans la bécosse, mais pour lui, rien que
     pour lui, sur cette page arrachée et jalousement conservée. Elle tendait la
     jambe, montrant le galbe parfait de la culotte sur son derrière, ressortant le
     torse, faisant poindre de généreux seins sous les coupoles de tissu. Il ne
     pouvait avouer ses fantasmes à son ami, surtout que dans ces rêves de péché,
     cette femme n’était plus une inconnue. La voluptueuse séductrice empruntait les
     traits de la sœur de Roger, telle qu’il se l’imaginait. Le bûcheron lui en
     parlait tellement que Pierre, sans savoir pourquoi, l’avait inconsciemment pris
     en objet de désir. Peut-être parce qu’elle était inaccessible. Jamais il ne la
     rencontrerait. Elle pouvait rester dans ses pensées secrètes. Cela lui
     permettait, de jour, de lever le nez sur les filles de Normandin, celles qui
     ricanaient en se poussant du coude lorsque les deux hommes s’arrêtaient sur le
     trottoir afin de s’allumer une cigarette, ou lablondinette qui
     avait rougi en croisant son regard en revenant de communier ou…
    — Tu as vu cette fille de l’autre bord de la rue ? Elle me mange des yeux, je
     suis certain que je lui plais, dit Roger. Tu vois, c’est ton Sauvage qui lui
     fait peur. A l’a retourné de bord en le voyant !
    — Ben non, c’est quand elle t’a vu de plus proche.
    — Pis ça se dit chrétien, faisait semblant de s’offusquer

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