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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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oreilles. C’était elle qui avait prononcé cette
     phrase banale !
    La mère cessa de faire le lit et se laissa choir sur le rebord du
     matelas.
    — Yvette, ma grande, viens à côté de moi, dit-elle avec douceur.
    — C’est mon rêve, maman ! s’exclama-t-elle en obéissant. Je veux devenir
     chanteuse !
    — C’est la guerre, Yvette, pis y faut m’aider...
    — Maman, la guerre, personne sait quand y en aura plus. Faut pas arrêter de
     vivre ! Y a déjà assez d’Elzéar qui est mort...
    Sa fille avait raison.
    — C’est ben certain que j’aimerais aller rendre visite à ma grande sœur
     Marie-Ange à Montréal, dit-elle pensivement.
    Yvette se mit à sauter de joie.
    — Vous voyez, maman, descendre à Montréal, ce serait un beau voyage !
    Julianna retrouva sa raison.
    — Mais pas tant que la guerre est pas finie !
    — Mais maman... que c’est que ça change ? C’est pas sur notre tête que les
     Allemands font tomber leurs bombes, ils savent même pas qu’on existe !
    — Tu parles à travers ton chapeau comme d’accoutume. Y a un camp de prisonniers
     allemands dans le bois à même pas deux heures de chez nous.
    — Quand même, y a pas de danger, je suis certaine.
    Se passant une main fatiguée dans les cheveux, Julianna se releva. Yvette était
     entêtée. Mais qu’est-ce qu’elle deviendrait, seule femme dans cette minable
     ferme, si sa grande fille la quittait ?
    — Les dangers viennent pas tous de la guerre, ma fille. T’as juste seize ans,
     ce serait vraiment pas raisonnable.
    — Si je veux être une chanteuse, il faut que j’aille à Montréal. C’est vous qui
     l’avez dit que là-bas, tout était possible, que vous auriez pu être cantatrice
     si vous aviez pas marié papa !
    — Yvette, tu me donnes mal à la tête… Moi, c’était une autre histoire, j’avais
     du talent.
    La jeune fille se tut, blessée par cette remarque. Elle marmonna :
    — Tout le monde trouve que je chante ben. À l’église, je fais presque tous les
     solos de la chorale.
    Affairée à ranger la chambre de ses garçons, Julianna émit un petit
     ricanement.
    — Y a une légère différence entre chanter à la messe pis faire des concerts. Je
     dis pas si t’avais suivi des cours de pose de voix, de déclamation,
     mais...
    — À Montréal, je vas en prendre des leçons !
    — Avec quel argent ? Pis t’es trop vieille de toute façon.
    — Tantôt j’étais trop jeune pis là j’suis trop vieille, faudrait vous
     brancher.
    — Yvette ! s’indigna Julianna en foudroyant sa fille du
     regard.
    — Excusez-moi, maman…
    — T’es tellement rendue impolie, reprit-elle. Tu me décourages. En tout cas,
     arrange-toi pour que ton père t’entende jamais me parler de même, parce que je
     réponds pas de sa colère.
    Yvette réitéra ses excuses. Elle savait pourtant qu’elle n’obtiendrait jamais
     rien avec cette attitude. En un silence boudeur, elle continua ses corvées. Elle
     se jura d’arriver à ses fins. Elle ne gaspillerait pas sa jeunesse à
     Saint-Ambroise.

    Chapeau guida les deux bûcherons jusqu’à Normandin. Le reste de leur voyage
     s’était déroulé en silence. Quand Pierre arriva enfin chez son employeur,
     monsieur Langevin trouva ce jeune homme bien grave et bien sérieux. Quel ne fut
     pas son étonnement quand celui-ci l’implora de donner asile au jeune
     Amérindien ! Il s’en portait garant et était prêt à couper ses gages de moitié.
     Monsieur Langevin hésita. La sécurité de sa famille était importante. Cet Indien
     n’était encore qu’un enfant… Finalement, il accepta. Il désigna au deuxième
     homme la route qui menait à la ferme des Gauthier. Il ajouta qu’il avait vu
     passer l’autre engagé. Il était déjà arrivé avec une bonne demi-heure d’avance
     sur eux. Avec le regret de se séparer, les deux amis se dirent au revoir.
     Monsieur Langevin expliqua à Pierre, qu’il ne connaissait que sous le faux nom
     de Joe Dubois, qu’une chambre du grenier lui était attitrée.
    — L’Indien, lui, ben, il peut aller dans la grange. Tu lui prépareras un coin.
     Mais qu’il vienne rien me voler.
    — Merci de votre bonté, monsieur Langevin.
    — Après, je vas t’expliquer l’ouvrage.
    — Merci, merci ben gros.
    — Ma femme va te préparer un baquet d’eau bouillante. Tu vas
     pouvoir te dépouiller comme il faut.
    Avec un sourire gêné, Pierre se rendit compte qu’il passait

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