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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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détrempée.
    — Mélanie…
    — Dans la grange, Chapeau… Il, il… il est mort !

    L’Indien n’était pas mort, mais il n’était pas bien bien fort, comme l’avait
     fait remarquer monsieur Langevin en accourant sur le lieu du drame. Quelle image
     d’horreur !
    — Aide-moé à le décrocher mon gars, vite…
    Les mains liées et attachées à la poulie à foin, Chapeau était suspendu, à
     moitié nu, le dos en sang, le pantalon baissé sur ses mollets. Il avait été
     fouetté avec la cravache du cheval. Pleine de sang, elle avait été abandonnée
     par terre. La tête penchée sur le côté, le garçon était inconscient. Qui avait
     pu faire une chose pareille ? se demandait monsieur Langevin. L’Amérindien
     n’avait pas d’ennemi. Il n’était pas rare de voir ceux de sa race se promener
     dans le coin. Ils avaient leur réserve à Pointe-Bleue et plusieurs servaient de
     guide de pêche et de chasse dans la forêt. On leur interdisait les bars et les
     restaurants, mais tant qu’ils gardaient leur place, les Blancs les toléraient.
     Pierre prit son jeune ami dans ses bras et le berça comme un enfant. Pierre
     remarqua que le cou de l’Indien portait une légère marque. Celle laissée par
     l’arrachement de la chaîne que Pierre lui avait offerte, réalisa-t-il. Monsieur
     Langevin répéta à voix haute la question qu’il se posait.
    — Alors, t’as-tu une petite idée sur le nom de celui qui a vargé de
     même ?
    Tout à coup, Pierre sut. Oh oui ! il avait son idée…
    — Un porc, monsieur Langevin, un criss de gros porc…
    Il ne remarqua même pas qu’il avait blasphémé. Une seule pensée le tenaillait,
     celle de la vengeance.

    La nouvelle fit le tour du village en un temps record. Le soir, la plupart des
     membres de la famille Langevin ainsi que des voisins se réunirent dans la
     cuisine de l’employeur de Pierre. Roger et monsieur Gauthier, le fermier chez
     qui il logeait, étaient du nombre de ceux venus assister à la réunion. Chapeau
     était soigné dans la chambre du grenier. Quand Pierre fit part de ses soupçons
     sur l’identité de l’agresseur, Roger les confirma en affirmant que Gros Jambon
     avait disparu une partie de l’après-midi et qu’il s’était présenté à la table
     pour souper en arborant un nouveau bijou dans le cou.
    — Y est pas gêné, l’écœurant, fit remarquer monsieur Langevin.
    L’assistance s’indigna de cet affichage éhonté de la preuve du crime. Il
     fallait que justice soit faite. On ne pouvait laisser un…
    — … un salaud de cette espèce s’en tirer sans rien faire, dit monsieur
     Gauthier. Sur la ferme, je suis plus capable de l’endurer.
    — Il rit de nous autres en pleine face, ce Gros Jambon !
    La tante Édith proposa d’appeler la police.
    — Ben voyons donc ma femme, répondit Paul Langevin, ils se déplaceront pas pour
     un Indien.
    — On peut toujours ben pas laisser aller ce voyou comme s’il avait rien fait !
     s’indigna madame Langevin.
    Un voisin émit l’idée de donner une petite leçon à ce bourreau.
    — Il pourrait avoir un petit accident qui lui laisserait les deux jambes
     cassées. Ça le ferait réfléchir.
    — Vous êtes pas mieux que lui si vous estropiez le monde parvengeance, s’interposa madame Langevin, qui détestait cette violence dont les
     hommes étaient si friands.
    Après une hésitation, elle ajouta :
    — Mais je pense que c’est à Joe de décider.
    À son nom d’emprunt, Pierre releva la tête. Tout le monde attendait son
     verdict. Il n’avait qu’une envie : prendre lui-même un bâton et dire à ces
     hommes : « Venez, suivez-moi, on va démolir ce porc, il fera plus jamais de mal
     à personne. » Cependant, madame Langevin avait raison. Tel le sang de Chapeau
     qui avait taché sa chemise du dimanche lorsqu’il avait tenu le blessé dans ses
     bras, user de violence salirait son âme à tout jamais.
    — Pas de cassage de jambes, refusa Pierre.
    La tante Édith revint à la charge.
    — Il faut appeler la police, je vous dis !
    — Je te répète que c’est pas une bonne idée. Pis ils sont ben trop occupés à
     aider l’armée à retrouver les déserteurs.
    À ces paroles, un pesant silence tomba tandis que les regards bifurquaient vers
     Pierre et Roger. Ce dernier piqua du nez. Le fermier qui l’employait prit la
     parole.
    — C’est vrai que cacher des déserteurs commence à être dangereux, dit monsieur
    

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