Les porteuses d'espoir
son temps à se
gratter. Pourtant, la veille, profitant d’un soleil chaud, il avait écrasé une
bonne centaine de ces maudites bestioles. Il entraîna Chapeau vers la
grange.
— Viens, on va t’organiser pour la nuit. Demain, on verra quoi faire de toi. Tu
es si jeune… Il faudrait que tu ailles à l’école ou… enfin, je pourrais
peut-être rencontrer le curé de Normandin. Je le connais pas, mais chez nous à
Saint-Ambroise, le curé Duchaine, y trouve tout le temps une solution aux
problèmes. Il dit qu’on trouve que si on cherche.
Suivi de son protégé, Pierre contourna le hangar. Soudain, une fillette le
heurta de plein fouet. Il la retint dans ses bras. Visiblement, elle fuyait
quelque chose. Il pencha la tête vers elle. Échevelée, le manteau enneigé, elle
avait perdu son bonnet de laine qui restait accroché autour de son cou.
— Y a-tu un ours qui a senti le printemps pis qui te court après pour te
manger ?
Elle fit signe que non. Chapeau avait reculé. Pierre regarda au loin et comprit
la cause de la fuite de la petite fille. Une autre enfant la pourchassait, une
boule de neige dans les mains. La fille voulut s’éloigner, mais une longue mèche
de ses cheveux s’était prise dans un des boutons de la veste de Pierre et la
retenait ainsi prisonnière contre lui.
— Ayoye ! se plaignit-elle.
— Attends, arrête de gigoter, tu fais juste pire !
Avec délicatesse, il déroula les cheveux presque un à un. Libérée, elle regarda
avec méfiance l’homme roux et l’Indien. Elle repartit à courir en direction de
la maison. La fille à la boule de neige s’avança. Loin d’être farouche, elle les
gratifia d’un sourire moqueur.
— C’est ma cousine Mélanie Langevin, a l’a peur de son ombre. A
l’habite icitte. Moé je m’appelle Jeanne-Ida, je suis en visite chez matante.
Vous êtes l’engagé de mon oncle ?
— Jeanne-Ida qui a pas la langue dans sa poche, si je comprends bien.
— Pis pas manchote non plus !
En riant, elle lança sa munition de neige à la tête de Pierre, qui n’eut pas le
réflexe de l’éviter. Contente d’avoir visé juste, elle s’enfuit rejoindre sa
cousine.
— Eh bien, Chapeau ! je pense que je viens de me faire une amie… ou le
contraire.
Dans la cuisine d’été, Pierre s’était méticuleusement lavé. Il monta déposer
son sac dans sa chambre. Après un rapide coup d’œil sur la pièce mansardée, il
se dépêcha d’aller revoir l’Amérindien dans la grange. Il voulait lui montrer
quelque chose. Le pauvre garçon faisait pitié. Debout dans un recoin, il
ressemblait à un animal pris au piège. Pierre avait bien réfléchi pendant qu’il
cheminait dans la forêt. Il voulait devenir un prêtre, alors il fallait qu’il
commence tout de suite à agir comme tel. Pierre avança un seau et le retourna à
l’envers. S’en servant comme siège, il s’installa devant le muet.
— Chapeau... Je le sais pas si tu vas comprendre ce que je vas te dire… C’est
péché, c’est pas bien de vouloir faire du mal à quelqu’un, commença
Pierre.
L’Amérindien se contentait de l’écouter d’un air distant. Pierre sortit l’objet
qu’il avait pris dans son sac et le montra à l’Indien.
— Cette croix vient de mon grand-père. Elle est ben spéciale. Tu vois, elle est
vieille, mais elle est solide. C’est du beau travail, hein ? Le brillant, c’est
de la fausse or...
Chapeau tendit la main et caressa l’objet du bout des doigts.Pierre sentit que la croix tenait parole. Elle guidait de sa lumière.
— Notre Seigneur est mort sur une croix, il a donné sa vie pour nous sauver. Je
vas t’apprendre comment aimer notre Seigneur. Tu dois tendre l’autre joue…
Pierre remit le bijou dans sa poche.
— Ouais, ça sera pas facile de t’expliquer la religion. Tu vas rester icitte,
je vas t’apporter à manger. Je vas prendre soin de toi, Chapeau, je te le
promets.
Pierre réfléchit. Tout à coup, il eut une idée. Rapidement, il défit la chaîne
qu’il portait à son cou depuis ses douze ans. Le cadeau d’anniversaire de son
parrain Georges.
— Mon oncle a perdu son fils à la guerre. Je suis certain qu’il serait d’accord
avec moi s’il savait que ce cadeau peut aider à redonner un fils à notre
Seigneur.
Le Montagnais laissa Pierre lui passer le bijou autour du cou. Chapeau,
émerveillé, retournait
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