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Les porteuses d'espoir

Les porteuses d'espoir

Titel: Les porteuses d'espoir Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Anne Tremblay
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manquaient
     cruellement. Il ne pouvait plus faire de cousinage , comme Mélanie
     appelait les visites dominicales entre les familles de ses oncles et tantes.
     Pierre reporta son attention sur la dispute.
    — C’est sa condition pour nous prêter ses  78 tours  ! expliquait
     Mélanie.
    — A jamais dit ça avant, rétorquait Jeanne-Ida.
    — Avant, on avait pas grafigné le disque de Tino Rossi !
    — Y était magané avant que matante Édith nous le prête !
    — Non !
    — Oui, je te dis !
    — Non, tu passes ton temps à conter des menteries !
    — Ah ben ! Mélanie Langevin, t’es pas gênée de me traiter de menteuse.
    Il était peut-être temps d’intervenir. Avec des filles, on nesavait à quoi s’en tenir : elles pouvaient s’arracher les yeux, ces drôles de
     bestioles !
    — C’est pas très chrétien de se chicaner entre cousines, un dimanche en
     plus.
    — T’es rien que l’engagé. Tu viendras pas me sermonner, le p’tit curé, dit
     Mélanie avec un air hautain.
    Pierre recula devant l’impertinence. Même Jeanne-Ida resta muette d’étonnement
     devant l’attitude revêche de sa cousine. Cela n’était pas dans ses
     habitudes.
    — Voyons Mélanie..., dit-elle.
    — Ben quoi ! C’est le Gros Jambon qui le crie à travers tout le village. Joe
     Dubois se prend pour le Bon Dieu en personne, mais il confesse rien que son ami
     Picard.
    Pierre eut un hoquet d’indignation. La fillette ne devait pas savoir ce qu’elle
     disait. Elle se contentait de répéter les âneries de Gros Jambon. Avec toute la
     patience qu’il pouvait avoir, il s’approcha de la jeune fille.
    — Les petites filles qui colportent des ragots vont pas au paradis...
    — Je suis pas une petite fille...
    — Ah non ? un p’tit gars d’abord ? C’est vrai que t’en as l’air ! Depuis que
     t’as fait couper tes cheveux ce printemps…
    En un geste qu’il voulut affectueux, il ébouriffa la crinière rebelle de
     Mélanie.
    D’un mouvement brusque, elle se tassa de côté, refusant la caresse.
    — Tu ressembles à Chapeau, un vrai petit sauvageon.
    Elle regarda Pierre d’un air mauvais.
    — Voyons Mélanie, c’était juste une niaiserie, s’excusa Pierre devant
     l’attitude blessée de celle-ci.
    Elle renifla avant de lui lancer :
    — Les niaiseries, c’est un niaiseux qui les dit...
    Malgré lui, Pierre ricana de cette répartie.
    — Tu me fais penser à ma petite sœur Yvette.
    — Pourquoi ? A l’air d’un garçon elle aussi ?
    — Ah, Mélanie ! Je m’excuse pour tantôt. C’est pas laid, ta coupe à la
     garçonne... Juste un peu court.
    Elle se leva encore plus en colère qu’avant.
    — J’en veux pas de tes excuses plates, Joe Dubois. Y étaient longs mes cheveux
     quand t’es arrivé chez nous, si t’avais pas remarqué. C’est pas de ma faute si y
     a fallu les couper à cause des poux !
    — Les poux ?
    — Oui, des poux ! Pis j’me demande ben qui nous a apporté ça en cadeau, hein ?
     C’est drôle, sont arrivés en même temps que toé !
    — Je savais pas...
    Les yeux emplis de larmes, Mélanie s’approcha du gramophone, attrapa le bras de
     l’appareil et le souleva dans un grand bruit strident qui ne laissait aucun
     doute sur l’égratignure que le disque comportait maintenant.
    — Tu peux mettre celui que tu veux astheure, Jeanne-Ida, marmonna-t-elle avant
     de quitter précipitamment la pièce.
    Pierre la suivit des yeux avant de chercher une réponse dans ceux de la
     cousine, mais Jeanne-Ida n’en avait que pour le disque endommagé qu’elle avait
     pris précautionneusement entre ses mains.
    — Matante Édith va nous tuer, a va nous tuer, c’est certain... Son disque du
     soldat Lebrun…
    Il la rassura du mieux qu’il put, lui affirmant qu’il expliquerait à la tante
     que c’était un accident. Il décida de partir à la recherche de Mélanie. La porte
     avait claqué assez fort pour qu’il sache la trouver à l’extérieur. Comme il
     pleuvait encore, il se dit qu’elle avait dû trouver refuge dans un des bâtiments
     de la ferme. Il sortit sur la galerie et scruta des yeux les alentours.
    Sortant de la grange, il la vit courir sous la pluie et revenir
     vers lui. Il s’aperçut qu’elle pleurait à chaudes larmes.
    — Ben, voyons Mélanie, je te jure que je voulais pas te faire de peine…
    Se tortillant les mains, elle fit signe que non. Elle était

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