Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Les prisonniers de Cabrera

Les prisonniers de Cabrera

Titel: Les prisonniers de Cabrera Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
Vom Netzwerk:
Gibraltar, en mission diplomatique.
    « Je crains, m’avait-il dit, que vos gens ne s’impatientent et que ceux qui vont rester ne se croient floués. Je compte sur vous pour leur faire comprendre qu’ils devront attendre quelques semaines, peut-être un mois ou deux, mais que nous allons veiller à ce qu’ils reçoivent de la nourriture et des vêtements en suffisance. »
    Le Saint-Louis quitta Cabrera deux jours plus tard, peu avant l’aube, pour éviter d’être pris d’assaut par la multitude de ceux qui se croyaient oubliés. Il avait embarqué en priorité les malades et quelques femmes qui avaient consenti à rompre leurs attaches, si bien que ses cales étaient pleines quand il leva l’ancre.
     
    Les conventions internationales confiaient, en principe, le retour des prisonniers de guerre à la puissance capteuse : en l’occurrence l’Espagne. C’était pour elle une charge plus lourde que d’assurer leur subsistance, car elle manquait de navires et d’équipages. Elle se trouvait en défaut du fait que la capitulation prévoyait notre retour à court terme. La paix revenue, notre ambassadeur à Madrid avait rappelé ce devoir aux autorités royales, qui avaient fait la sourde oreille. Après des semaines de «  ma ñ ana  », aucune mesure n’étant prise, le gouvernement français avait dû se charger de l’opération, qui comprenait les lieux de détention des îles voisines.
    Celui qui avait pris en main notre cause était une vieille connaissance : le général Dupont de l’Etang, le vaincu de Baylen. Toute honte bue, après son incarcération, par ordre impérial, dans une forteresse puis libéré par le retour des Bourbons, il occupait un poste prestigieux : ministre de la Guerre !
     
    Les semaines qui suivirent le départ du  Saint-Louis  nous furent pénibles, malgré la certitude du retour ancrée en nous. Une chape de plomb tomba sur l’île. J’étais chaque jour assailli de questions auxquelles je ne pouvais répondre que par des paroles de réconfort. Il y avait un tel désordre dans le gouvernement des Bourbons que tout était à craindre. Par chance, nous étions nourris correctement, comme Duperré l’avait exigé de la junte, et les évasions n’étaient plus à redouter.
     
    À la fin du mois de mai, un convoi fit son entrée dans la baie. Il comportait une frégate, un brick et deux flûtes, avec pour commandant le capitaine de frégate Ménouvrier-Defresne. Il avait quitté Toulon depuis une semaine et se trouvait en vue de Cabrera, quand une tempête l’avait contraint à rétrograder vers Palma. Le commandant annonça son arrivée dans ce port par les vingt et un coups de canon réglementaires, puis se présenta aux autorités pour leur faire part de sa mission.
    Ce n’est que trois jours plus tard que le convoi fit son entrée dans la baie de Cabrera, à six heures du soir, suscitant des ruées vers le port et des clameurs de joie. Le commandant, en ma présence, s’entretint avec le commissaire. Il fut question de nouveau d’un tri à faire parmi les prisonniers, en choisissant les plus souffreteux. On me demanda mon avis.
    — Procéder à ce choix n’a pas de sens, protestai-je, car nous sommes tous malades, et cela risquerait de provoquer une révolte qui pourrait finir dans le sang. Je regrette qu’il n’ait pas été prévu suffisamment de navires pour vider cette île, une bonne fois, de ses occupants.
    — Qu’y puis-je ? me répondit le commandant. Embarquer en une seule fois les quelque trois mille prisonniers qui restent est impossible. Un autre convoi y pourvoira.
    Il fallut de nouveau effectuer un tri pénible et subir les récriminations des malchanceux. Je dus me faire accompagner par des soldats de marine pour assurer ma sécurité, sinon je me serais fait écharper ou lapider. Le commandant nous donna l’assurance que ceux qui restaient seraient convenablement nourris, vêtus, et que leur rapatriement ne tarderait guère.
    Le départ de ce deuxième convoi pour la France fut l’objet d’une scène qui faillit tourner au drame. Lorsque le père Damian, juché sur le cul d’une barrique, voulut faire chanter Alléluia aux partants, il reçut une telle bordée de galets et de bâtons qu’il chuta de son perchoir et se brisa une cheville. Le commissaire, qui se trouvait à son côté, avec Diego, tenta de lui éviter le pire et

Weitere Kostenlose Bücher