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Les prisonniers de Cabrera

Les prisonniers de Cabrera

Titel: Les prisonniers de Cabrera Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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culpabilité. Lorsque Josefa, faisant en sorte d’être plus séduisante que jamais, revenait à la charge avec sa rouerie de femme, je me dérobais lâchement en lui disant que je prenais « le temps de la réflexion », ce qu’elle tenait pour le prélude d’une victoire. J’attendais qu’elle-même, face à mes atermoiements, se lassât et renonçât.
    Elle n’y était pas décidée.
    J’avais beau me dire que le souvenir de nos rapports ne laisserait pas en moi de traces ineffaçables, cette rupture inévitable me peinait. Nous avions, elle et moi, mené une véritable vie de couple, vivant, comme on dit, à pot et à feu, sans la moindre querelle digne d’être retenue, coupée de larges plages de passion et de sérénité, avec, de sa part, quelques caprices qui tenaient à sa condition de femme et peut-être à sa race. Lui ai-je donné l’illusion de consentir à prolonger ce que je n’ose appeler « nos amours » ? Dans ce cas, je m’en repens. De son côté, était-elle naïve ou calculatrice ?
    Pour finir, à trois jours de mon départ, mis au pied du mur, je jouai avec Josefa une scène de tragédie à laquelle ne manquaient que les alexandrins. Elle se débattit avec une conviction d’héroïne racinienne, disant qu’elle m’avait voué son existence et que si je l’abandonnais elle se donnerait la mort. Chantage ? Peut-être que oui, peut-être que non.
    Je me défendis si mal et elle avec tant d’ardeur qu’elle finit par triompher. Elle me sauta au cou, inondant mes joues de larmes de joie, saupoudrant mon visage de baisers.
    Quelques heures plus tard, elle me rappela ma promesse de lui offrir une monture pour son anniversaire. La date était passée, mais elle n’avait pas oublié. Par l’intermédiaire d’une de mes relations dans les services des écuries, je lui procurai une jument ayant appartenu à un mamelouk tué au cours de l’insurrection. Elle avait subi des blessures à la croupe mais gardé ses jarrets intacts. Elle avait un joli nom : Jasmina.
    J’en profitai pour échanger ma propre monture, qui donnait des signes de faiblesse en raison de son âge, contre un arabe gris, à la crinière majestueuse, à l’allure souple, qui obéissait correctement à la bride, aux éperons et à la voix. Je lui donnai un nom : Capitan. Je pouvais rivaliser avec le plus fin connaisseur en matière équestre, un aide de camp du général Berthier, le capitaine Alfred de Noailles.
     
    Le roi Joseph I er  tint à fêter le départ de notre corps expéditionnaire par une cérémonie d’adieux, un mot qui sonnait mal à mes oreilles. Ce fut l’occasion d’un grand souper dans ses jardins, avec orchestre de violons et illuminations a giorno. Josefa fut admise et s’en montra flattée. Sa tenue élégante – je n’avais pas lésiné sur la dépense – lui valut un baisemain du roi et un compliment de la favorite.
    Je plaisanterais en disant que l’allocution du roi, au moment des toasts, faillit nous tirer des larmes. J’en ai gardé l’essentiel en mémoire :
    « Vous allez devoir affronter les troupes de la junte de Séville, équipées et armées en grande partie par les Anglais, mais aussi, et ce ne sera pas le plus facile, la  guerrilla . Portez bien haut la renommée des aigles impériales ! Je suis convaincu que vous nous reviendrez couverts de gloire et de trophées. L’Empereur, mes amis, a les yeux fixés sur vous… » La main de Pepe Botella tremblait lorsqu’il porta le premier toast à nos victoires.
    En retournant ce soir-là calle Valverde, Josefa à mon bras sous la lune du printemps, je songeais aux propos tenus par le général Dupont à notre ultime réunion des aides de camp : « Souvenez-vous que les mœurs et la férocité des Espagnols rappellent celles des Africains ! » Pour excessif et simpliste qu’il fût, ce jugement ne manquait pas de vérité, je n’allais pas tarder à m’en rendre compte.

 DEUXIÈME PARTIE

1
La route d’Andalousie
    Notre corps expéditionnaire avait de quoi donner le frisson aux gens de Séville. En nombre, il était comparable à certaines armées que l’Empereur avait guidées à travers l’Europe : environ dix mille hommes. Pour la qualité, c’était une autre affaire : il était composé presque exclusivement de jeunes recrues qui n’avaient respiré que la poudre des exercices et

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