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Les prisonniers de Cabrera

Les prisonniers de Cabrera

Titel: Les prisonniers de Cabrera Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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passage.
    Lorsque, après un long cheminement à l’abri du soleil, notre avant-garde s’est retrouvée, la peur au ventre, au milieu du défilé, une surprise nous attendait : le chemin était obstrué par des blocs de rocher et défendu par une monstrueuse pièce d’artillerie. Il nous fallut une heure pour nous emparer de la bouche à feu, une pièce de musée datant de Charles Quint, et déblayer l’éboulement, sous une grêle de projectiles et de coups de feu partant des sommets, qui firent une vingtaine de victimes parmi nous.
    À tout prendre, nous nous en tirions à bon compte. Les portes de l’Andalousie s’ouvraient à nous.

2
La ville dorée
    Murat avait tenu parole.
    À La Carolina, ville peuplée, depuis le roi Charles III, d’émigrés allemands, nous fûmes rejoints par des soldats de l’armée du général Vedel, qui nous apportaient quelques fourgons de vivres. Nous sommes restés quelques jours dans cette localité, le temps de refaire nos forces et celles de nos chevaux. À notre approche, la population avait évacué ses maisons coquettes, le bruit ayant couru que nous nous apprêtions à massacrer les Andalous, comme nous l’avions fait des Madrilènes !
    Plutôt que de se morfondre à La Carolina en attendant les ordres du quartier général, le général Dupont décida de marcher sur Cordoue en longeant le Guadalquivir par Baylen et Andújar. C’était un trajet facile, où nous aurions moins à souffrir qu’auparavant de la faim et de la soif. La contrée était fertile et le fleuve pourvoirait à nos besoins en eau.
     
    Nous étions à moins de dix lieues de Cordoue quand la situation prit une autre tournure.
    La route de La Carolina à Cadix passe par le pont d’Andújar, puis par celui de La Venta d’Alcolea, un bel ouvrage d’art en marbre noir de dix-neuf arches.
    L’ennemi ne nous laissa guère le loisir d’admirer ce chef-d’œuvre. Une colonne de trois à quatre mille hommes – et pas tous des brigands ! – dotée d’artillerie, de cavalerie, de grenadiers nous attendait, sous le commandement du lieutenant-colonel Etcheverria, vétéran à la retraite des armées royales, qui n’avait pas dit son dernier mot. Il tenait la tête du pont avec une batterie de douze canons.
    Notre général avait rêvé d’un affrontement d’armée à armée, en rase campagne. Il allait l’avoir !
    Un échange de fusillades et de canonnades avait débuté quand, débouchant des collines bordant le fleuve, un détachement de cavaliers fondit sur nos flancs. Les escadrons de Frésia et un bataillon des marins de la Garde se portèrent au galop à sa rencontre pour briser son élan. Le choc fut rude et sanglant. Enfoncés, la cavalerie espagnole et les groupes de guérilleros qui la suivaient en hurlant se dispersèrent.
    Restait à prendre ce satané pont trop bien gardé. L’affaire fut confiée au général Estève. Les meilleurs éléments de la Garde municipale de Paris s’y employèrent. Grimpant les uns sur les autres à l’endroit des basses eaux, ces hommes escaladèrent le parapet, foncèrent sur la batterie et l’enlevèrent avec brio.
    La route de Cordoue nous était ouverte. On pouvait apercevoir à l’horizon ses dômes et ses clochers dorés par le soleil, tel le palais de Schéhérazade.
    Située dans une  campina  riche en cultures et en forêts de chênes verts et de mûriers, Alcolea n’est qu’un village en marge de Cordoue, cette opulente cité à laquelle le Guadalquivir vient faire, le long de ses remparts, une longue et étroite caresse avant d’atteindre son immense estuaire, à Sanlúcar de Barrameda, à travers un marais pestilentiel hanté par des colonies de flamants roses.
    Il était trop tard et nos troupes étaient trop fatiguées pour prendre position sous les murs de Cordoue, qui devait être sur la défensive.
    La nuit qui suivit fut agitée. Nous étions tirés de notre sommeil par les « Qui vive ? » des sentinelles, des coups de feu, le galop de nos cavaliers et les cris des femmes sur nos arrières. De plus, des nuées de moustiques s’acharnaient sur nous.
     
    J’ai longtemps hésité à relater les événements qui vont suivre et dont le simple souvenir me plonge dans la honte, mais je suis tenu de le faire pour honorer mon souci de vérité. J’aurais dû, au moment où nous forcions les portes de cette ville, m’abstenir

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