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Les prisonniers de Cabrera

Les prisonniers de Cabrera

Titel: Les prisonniers de Cabrera Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Michel Peyramaure
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molester lâchement en nous reprochant d’avoir pillé les lieux saints de Cordoue et de Jaén, et violé des nonnes. Chargés de notre sécurité, les cavaliers de Calatrava dispersaient non sans peine ces excités.
    On évita sagement de nous faire traverser les villes où nous aurions pu subir des outrages plus féroces sans pouvoir nous défendre.
    Nous apprîmes d’un officier de cavalerie qui nous escortait que nous allions être embarqués dans deux petits ports proches de Cadix, Rota et Sanlúcar, d’autres unités étant dirigées vers Málaga.
    Le 24 juillet au soir, halte à Villanueva. Le lendemain, une horde de paysans armés de faucilles et de gourdins, précédés par des religieux, fondirent sur nous dans l’inten­tion de faire un massacre de Français mécréants et régicides. Le capitaine chargé de notre escorte nous emmena à temps camper dans une prairie marécageuse, sous la protection de la cavalerie. Durant la nuit, des énergumènes pénétrèrent dans le camp et égorgèrent quelques-uns de nos hommes.
    Castro del Rio… Rumbla… Ecija…
    Dans cette dernière ville, la canaille, parmi laquelle une majorité de femmes, nous attendait sur le pont pour nous cracher au visage et nous bastonner. Tenter de nous défendre nous eût condamnés à être tués.
    Fuente… Las Real… Hascabeza… Lebtiga…
    Notre chemin de croix connut un répit dans cette cité, après dix jours d’une marche harassante que je fis à cheval, incapable que j’étais de marcher longtemps. Nous sommes restés là une dizaine de jours, dans une grande oliveraie, où nous fûmes assez bien traités et nourris.
    Durant cette halte, le colonel Chabert fut envoyé à Séville pour s’informer auprès de la junte de la date et des conditions de notre embarquement. On attendait les passeports que devait fournir l’amirauté britannique, qui avait la haute main sur notre sort. C’était un leurre. Plus question de nous rapatrier et de fournir à l’Empereur des soldats qui pourraient reprendre du service !
    Fou de colère, Dupont écrivit au gouverneur de Cadix, don Tomas Morla, pour exiger que les termes de la capitulation fussent respectés. Réponse : on manquait de navires pour effectuer notre rapatriement !
    Le gouverneur ajoutait dans son message : « De quel droit exiger votre retour en France, alors qu’entrés en Espagne sous le voile de l’alliance et de l’union vous avez exilé la famille royale, saccagé ses palais, assassiné et volé ses sujets, détruit ses campagnes et arraché sa couronne à notre roi ? »
    Nous devions, la mort dans l’âme, en prendre notre parti : nous resterions prisonniers ad libitum, seuls les officiers supérieurs étant admis à embarquer. Qu’allait-on faire des milliers d’hommes du corps expéditionnaire ? Mystère.
    Nos colonnes reprirent le chemin de Cadix sous un violent orage accompagné d’une pluie diluvienne qui transforma la route en marécage. En arrivant en vue de la ville enfouie sous un épais brouillard, nous étions transis et trempés jusqu’aux os.
    Une nouvelle fouille de nos bagages révéla dans certains la présence d’objets sacrés, en or et en argent, volés à Cordoue, ce qui n’améliora pas notre situation. Il n’était pas question de nous laisser en possession du fruit de nos rapines ! Je fus privé de ma montre, de ma bague et d’un médaillon représentant mon épouse, notre fils Eugène dans ses bras.
    L’état-major de Dupont et quelques officiers supérieurs furent transférés en chaloupes au fort San Sébastian de Cadix. J’eus beau me prévaloir de mon grade de capitaine-aide de camp, on ne tint pas compte de ma requête. De la division Vedel, toujours aucune nouvelle.
    J’aurais aimé faire mes adieux au capitaine de vaisseau Pierre Baste, mais un cordon de troupe nous séparait. Je perdais en lui un ami et un confident. J’appris, beaucoup plus tard qu’il avait fait une honorable campagne en Autriche, participé à la bataille de Wagram, reçu la dignité de comte d’Empire. Le reste de sa destinée se perd dans les brumes de l’Histoire.

2
Les prisons flottantes
    Je possède, dans mon domaine de Puymège, sous les falaises du causse, une curiosité naturelle qu’on appelle chez nous un  gour . Cette sorte de puits de vastes dimensions a une étrange particularité : celle de ne tarir jamais, et une

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